Ordre du Temple
L’ordre du Temple était un ordre religieux et militaire issu de la chevalerie chrétienne du Moyen Âge, dont les membres étaient appelés les Templiers.
Cet ordre fut créé le 22 janvier 1129 à partir d'une milice appelée les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon. Il œuvra pendant les XIIe et XIIIe siècles
à l'accompagnement et à la protection des pèlerins pour Jérusalem dans
le contexte de la guerre sainte et des croisades. Il participa
activement aux batailles qui eurent lieu lors des croisades et de la Reconquête.
Afin de mener à bien ses missions et notamment d'en assurer le
financement, il constitua à travers l'Europe chrétienne d'Occident et à
partir de dons fonciers, un réseau de monastères appelés commanderies.
Cette activité soutenue fit de l'ordre un interlocuteur financier
privilégié des puissances de l'époque, le menant même à effectuer des
transactions sans but lucratif avec certains rois ou à avoir la garde de
trésors royaux.
Après la perte définitive de la Terre sainte en 1291, l'ordre fut victime de la lutte entre la papauté et le roi de France, Philippe le Bel. Il fut dissout par le pape Clément V le 13 mars 1312 à la suite d'un procès en hérésie. La fin tragique de l'ordre mena à nombre de spéculations et de légendes sur son compte.
Naissance de l'ordre du Temple
Le contexte politico-militaire
Le
pape Urbain II prêcha la première croisade le 27 novembre 1095, dixième
jour du concile de Clermont. La motivation du pape à voir une telle
expédition militaire prendre forme venait du fait que les pèlerins
chrétiens en route vers Jérusalem étaient régulièrement victimes
d'exactions voire d'assassinats .
Le
pape demanda donc au peuple chrétien d'Occident de prendre les armes
afin de venir en aide aux chrétiens d'Orient. Cette croisade eut alors
comme cri de ralliement « Dieu le veut ! » et tous ceux qui prirent part
à la croisade furent marqués par le signe de la croix, devenant ainsi
les croisés. Cette action aboutit le 15 juillet 1099 à la prise de
Jérusalem par les troupes chrétiennes de Godefroy de Bouillon .
Hugues de Payns, futur fondateur et premier maître de l'ordre du Temple, vint pour la première fois en Terre Sainte en 1104 pour accompagner le comte Hugues de Champagne, alors en pèlerinage . Ils en revinrent en 1107 .
Les prémices de l'ordre du Temple
Après
la prise de Jérusalem, Godefroy de Bouillon fut désigné roi de
Jérusalem par ses pairs, titre qu'il refusa, préférant porter celui
d'Avoué du Saint-Sépulcre. Il mit en place l'ordre des chanoines du
Saint-Sépulcre qui avait pour mission d'aider le patriarche de Jérusalem
dans ses diverses tâches. Un certain nombre d'hommes d'arme, issus de
la croisade, se mirent alors au service du patriarche afin de protéger
le Saint-Sépulcre.
Une institution similaire constituée de chevaliers, appelés chevaliers de Saint-Pierre (milites sancti Petri),
fut créée en Occident pour protéger les biens des abbayes et églises.
Ces chevaliers étaient des laïcs, mais ils profitaient des bienfaits des
prières. Par extension, les hommes chargés d'assurer la protection des
biens du Saint-Sépulcre ainsi que de la communauté des chanoines étaient
appelés milites sancti Sepulcri (chevaliers du
Saint-Sépulcre). Il est fort probable qu'Hugues de Payns intégrât cette
institution dès 1115. Tous les hommes chargés de la protection du
Saint-Sépulcre logeaient à l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem situé tout
près.
Lorsque
l'ordre de l'Hôpital, reconnu en 1113, fut chargé de s'occuper des
pèlerins venant d'Occident, une idée naquit : créer une milice du Christ
(militia Christi) qui ne s'occuperait que de la protection de
la communauté de chanoines du Saint-Sépulcre et des pèlerins sur les
chemins de Terre Sainte, alors en proie aux brigands locaux. Ainsi, les
chanoines s'occuperaient des affaires liturgiques, l'ordre de l'Hôpital
des fonctions charitables et la milice du Christ de la fonction purement
militaire de protection des pèlerins. Cette répartition ternaire des
tâches reproduisait l'organisation de la société médiévale, qui était
composée de prêtres (oratores), de guerriers (bellatores) et de paysans (laboratores).
C'est ainsi que l'ordre du Temple, qui se nommait à cette époque militia Christi, prit naissance.
La fondation de l'ordre du Temple
C'est le 23 janvier 1120, lors du concile de Naplouseque naquit, sous l'impulsion d'Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer, la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon (en latin : pauperes commilitones Christi Templique Solomonici), qui avait pour mission de sécuriser le voyage des pèlerins affluant d'Occident depuis la reconquête de Jérusalem.
Dans
un premier temps, Payns et Saint-Omer se concentrèrent sur le défilé
d'Athlit, un endroit particulièrement dangereux sur la route empruntée
par les pèlerins. Par la suite, l'une des plus grandes places fortes
templières en Terre Sainte fut construite à cet endroit : le château
Pèlerin.
Le
nouvel ordre ainsi créé ne pouvait survivre qu'avec l'appui de
personnes influentes. Hugues de Payns réussit à convaincre le roi de
Jérusalem Baudouin II de l'utilité
d'une telle milice, chose assez aisée au vu de l'insécurité régnant dans
la région à cette époque. Les chevaliers prononcèrent les trois vœux de
pauvreté, chasteté et obéissance. Ils reçurent du patriarche Gormond de
Picquigny la mission de « garder voies et chemins contre les brigands, pour le salut des pèlerins » (« ut vias et itinera, ad salutem peregrinorum contra latrones ») pour la rémission de leurs péchés.
Le
roi Baudouin II leur octroya une partie de son palais de Jérusalem, à
l'emplacement du Temple de Salomon, qui donna par la suite le nom de
Templiers ou de chevaliers du Temple. Hugues de Payns et Geoffroy de
Saint-Omer ne furent pas les seuls chevaliers à avoir fait partie de la
milice avant que celle-ci ne devienne l'ordre du Temple. Voici donc la
liste de ces chevaliers, précurseurs ou « fondateurs » de l'ordre :
- Hugues de Payns, originaire de Payns en Champagne ;
- Geoffroy de Saint-Omer, originaire de Saint-Omer dans le comté de Flandre ;
- André de Montbard, originaire de la Bourgogne ;
- Payen de Montdidier, originaire de la Somme en Picardie ;
- Geoffroy Brisol, originaire de Frameries dans le comté de Hainaut ;
- Rolland, originaire du marquisat de Provence ;
- Archambault de Saint-Amand ;
- Gondemare.
Le premier don (de trente livres angevines) reçu par l'ordre du Temple vint de Foulque, comte d'Anjou, qui devint par la suite roi de Jérusalem.
La recherche de soutien
Cependant, la notoriété de la milice ne parvenait pas à s'étendre au-delà de la Terre Sainte
et c'est pourquoi Hugues de Payns, accompagné de cinq autres chevaliers
(Godefroy de St-Omer, Payen de Montdidier, Geoffroy Bissol, Archambault
de Saint-Amand et Rolland), embarqua pour l'Occident en 1127 afin de
porter un message destiné au pape Honorius II et à Bernard de Clairvaux.
Fort
du soutien du roi Baudouin et des instructions du patriarche Gormond de
Jérusalem, Hugues de Payns avait les trois objectifs suivants:
- faire reconnaître la milice par l'Église et lui donner une règle : rattachés aux chanoines du Saint-Sépulcre, les chevaliers suivaient comme eux la règle de saint Augustin ;
- donner une légitimité aux actions de la milice puisque la dénomination de moine-chevalier, un amalgame d'une nouveauté absolue, pouvait être en contradiction avec les règles de l'Église et de la société en général ;
- recruter de nouveaux chevaliers et obtenir des dons qui feraient vivre la milice en Terre sainte.
La
tournée occidentale des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de
Salomon commença en Anjou et passa ensuite par le Poitou, la Normandie,
l'Angleterre (où ils reçurent de nombreux dons), la Flandre et enfin la
Champagne.
Cette
démarche d'Hugues de Payns, accompagné de ces cinq chevaliers et
soutenu par le roi de Jérusalem, suivait deux tentatives infructueuses
qui avaient été faites par André de Montbard et Gondemare, probablement
en 1120 et 1125.
Le concile de Troyes
Arrivant
à la fin de sa tournée en Occident et après avoir porté le message du
roi de Jérusalem à Bernard de Clairvaux afin qu'il aidât les Templiers à
obtenir l'accord et le soutien du pape, Hugues de Payns participa au
concile de Troyes (ainsi nommé parce qu'il s'est déroulé dans la
cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes).
Le
13 janvier 1129, le concile s'ouvrit en présence de nombreuses
personnalités religieuses dont le prologue de la règle primitive du
Temple donne les noms : le cardinal Mathieu d'Albano, légat du pape en
France, les archevêques de Reims et de Sens, ainsi que dix de leurs
évêques suffragants, quatre abbés cisterciens (ceux de Cîteaux,
Clairvaux, Pontigny et Troisfontaines), deux abbés clunisiens (ceux de
Molesmes et Vézelay), deux chanoines, deux maîtres et un secrétaire.
En
plus des religieux, se trouvaient des personnages laïcs Thibaut IV de
Blois, comte de Champagne, André de Baudement, sénéchal du comté de
Champagne, Guillaume II, comte de Nevers, Auxerre et Tonnerre.
Le
concile mena à la création de l'ordre du Temple et le dota d'une règle
propre. Celle-ci prit pour base la règle de saint Benoît (présence des
cisterciens Bernard de Clairvaux et Étienne Harding, fondateur de
Cîteaux) avec néanmoins quelques emprunts à la règle de saint Augustin,
que suivaient les chanoines du Saint-Sépulcre aux côtés desquels
vécurent les premiers Templiers. Une fois la règle adoptée, elle devait
encore être soumise à Étienne de Chartres, patriarche de Jérusalem.
L'Éloge de la Nouvelle Milice
L'Éloge de la Nouvelle Milice (De laude novae militiae) est une lettre que saint Bernard de Clairvaux envoya à Hugues de Payns, dont le titre complet était Liber ad milites Templi de laude novae militiae et écrite après la défaite de l'armée franque au siège de Damas en 1129.
Bernard
y souligne l'originalité du nouvel ordre : le même homme se consacre
autant au combat spirituel qu'aux combats dans le monde.
« Il n’est pas assez rare de voir des hommes combattre un ennemi corporel avec les seules forces du corps pour que je m’en étonne ; d’un autre côté, faire la guerre au vice et au démon avec les seules forces de l’âme, ce n’est pas non plus quelque chose d’aussi extraordinaire que louable, le monde est plein de moines qui livrent ces combats ; mais ce qui, pour moi, est aussi admirable qu’évidemment rare, c’est de voir les deux choses réunies. (§1) »
De
plus, ce texte contenait un passage important où saint Bernard
expliquait pourquoi les Templiers avaient le droit de tuer un être
humain :
« Le chevalier du Christ donne la mort en toute sécurité et la reçoit dans une sécurité plus grande encore. […] Lors donc qu'il tue un malfaiteur, il n'est point homicide mais Malicide. […] La mort qu'il donne est le profit de Jésus-Christ, et celle qu'il reçoit, le sien propre. […] »
Mais pour cela, il fallait que la guerre soit « juste ». C'est l'objet du §2 de L'Éloge de la Nouvelle Milice.
Bernard est conscient de la difficulté d'un tel concept dans la
pratique, car si la guerre n'est pas juste, vouloir tuer tue l'âme de
l'assassin :
« Toutes les fois que vous marchez à l’ennemi, vous qui combattez dans les rangs de la milice séculière, vous avez à craindre de tuer votre âme du même coup dont vous donnez la mort à votre adversaire, ou de la recevoir de sa main, dans le corps et dans l’âme en même temps. [...] la victoire ne saurait être bonne quand la cause de la guerre ne l’est point et que l’intention de ceux qui la font n’est pas droite. (§2) »
Bernard fait donc bien l'éloge de la Nouvelle Milice,
mais non sans nuances et précautions... Tous ses §7 & 8 (= ch. IV)
tracent un portrait volontairement idéal du soldat du Christ, afin de le
donner comme un modèle qui sera toujours à atteindre.
Cet
éloge permit aux Templiers de rencontrer une grande ferveur et une
reconnaissance générale : grâce à saint Bernard, l'ordre du Temple
connut un accroissement significatif : bon nombre de chevaliers
s'engagèrent pour le salut de leur âme ou, tout simplement, pour prêter
main forte en s'illustrant sur les champs de bataille.
La reconnaissance pontificale
Plusieurs bulles pontificales officialisèrent le statut de l'ordre du Temple.
La bulle Omne datum optimum a été fulminée
(rendue publique) par le pape Innocent II le 29 mars 1139 sous la
maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre du Temple. Elle
fut d'une importance capitale pour l'ordre puisqu'elle était à la base
de tous les privilèges dont jouissaient les Templiers. En effet, grâce à
elle, les frères du Temple eurent droit à la protection apostolique
ainsi que d'avoir leurs propres prêtres.
On
vit donc une nouvelle catégorie émerger dans la communauté, celle des
frères chapelains qui officieraient pour les Templiers. De plus, cette
bulle confirma le fait que l'ordre du Temple n'était soumis qu'à
l'autorité du pape. La bulle créa aussi une concurrence pour le clergé
séculier (ce que ce dernier vit souvent d'un mauvais œil). De nombreux
conflits d'intérêt éclatèrent entre les Templiers et les évêques ou les
curés.
Les privilèges qu'elle accorda étant souvent remis en cause, la bulle Omne datum optimum
fut confirmée douze fois entre 1154 et 1194, et c'est d'ailleurs pour
cette raison qu'il ne fut pas aisé de retrouver l'originale.
La bulle Milites Templi (Chevaliers du Temple)
a été fulminée le 9 janvier 1144 par le pape Célestin II. Elle permit
aux chapelains du Temple de prononcer l'office une fois par an dans des
régions ou villes interdites, « pour l'honneur et la révérence de leur
chevalerie », sans pour autant autoriser la présence des personnes
excommuniées dans l'église. Mais ce n'est en réalité qu'une confirmation
de la bulle Omne datum optimum.
La bulle Militia Dei (Chevalerie de Dieu)
a été fulminée par le pape Eugène III, le 7 avril 1145. Cette bulle
permit aux Templiers de construire leurs propres oratoires, mais aussi
de disposer d'une totale indépendance vis-à-vis du clergé séculier grâce
au droit de percevoir des dîmes et d'enterrer leurs morts dans leurs
propres cimetières. De plus, la protection apostolique fut étendue aux
familiers du Temple (leurs paysans, troupeaux, biens…).
Des
plaintes furent déposées par des Templiers auprès du pape concernant le
fait que le clergé prélevait un tiers du legs fait par les personnes
désireuses de se faire enterrer dans les cimetières de l'ordre. La bulle
Dilecti filii ordonna en conséquence au clergé de ne se contenter que d'un quart des legs.
Organisation et mission de l'ordre
Règle et statuts
Après
le concile de Troyes, où l'idée d'une règle propre à l'ordre du Temple a
été acceptée, la tâche de la rédiger fut confiée à Bernard de
Clairvaux, qui lui-même la fit écrire par un clerc qui faisait sûrement
partie de l'entourage du légat pontifical présent au concile, Jean
Michel (Jehan Michiel), sur des propositions faites par Hugues de Payns.
La
règle de l'ordre du Temple faisait quelques emprunts à la règle de
saint Augustin mais s'inspirait en majeure partie de la règle de saint
Benoît suivie par les moines bénédictins. Elle fut cependant adaptée au
genre de vie active, principalement militaire, que menaient les frères
templiers. Par exemple, les jeûnes étaient moins sévères que pour les
moines bénédictins, de manière à ne pas affaiblir les Templiers appelés à
combattre. Par ailleurs, la règle était adaptée à la bipolarité de
l'ordre, ainsi certains articles concernaient aussi bien la vie en
Occident (conventuelle) que la vie en Orient (militaire).
La
règle primitive (ou latine car rédigée en latin), écrite en 1128, fut
annexée au procès-verbal du concile de Troyes en 1129 et contenait
soixante-douze articles. Toutefois, vers 1138, sous la maîtrise de
Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre (1136-1149), la règle
primitive fut traduite en français et modifiée. Par la suite, à
différentes dates, la règle fut étoffée par l'ajout de six cent neuf
retraits ou articles statutaires, notamment à propos de la hiérarchie et
de la justice au sein de l'ordre.
De sa fondation et durant toute son existence, l'ordre ne s'est pas doté d'une devise.
La réception dans l'ordre
Les
commanderies avaient, entre autres, pour rôle d'assurer de façon
permanente le recrutement des frères. Ce recrutement devait être le plus
large possible. Ainsi, les hommes laïcs de la noblesse et de la
paysannerie libre pouvaient prétendre à être reçus s'ils répondaient aux
critères exigés par l'ordre.
Tout
d'abord, l'entrée dans l'ordre était gratuite et volontaire. Le
candidat pouvait être pauvre. Avant toute chose, il faisait don de
lui-même. Il était nécessaire qu'il fût motivé car il n'y avait pas de
période d'essai par le noviciat. L'entrée était directe (prononciation
des vœux) et définitive (à vie).
Les principaux critères étaient les suivants :
- être âgé de plus de 18 ans (la majorité pour les garçons était fixée à 16 ans) (article 58)
- ne pas être fiancé (article 669)
- ne pas faire partie d'un autre ordre (article 670)
- ne pas être endetté (article 671)
- être en parfaite santé mentale et physique (ne pas être estropié) (article 672)
- n'avoir soudoyé personne pour être reçu dans l'ordre (article 673)
- être homme libre (le serf d'aucun homme) (article 673)
- ne pas être excommunié (article 674)
Le candidat était prévenu qu'en cas de mensonge prouvé, il serait immédiatement renvoyé. « ... si vous en mentiez, vous en seriez parjure et en pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde. » (Extrait de l’article 668)
Hiérarchie
Les
Templiers étaient organisés comme un ordre monastique, suivant la règle
créée pour eux par Bernard de Clairvaux. Dans chaque pays était nommé
un maître qui dirigeait l'ensemble des commanderies et dépendances et
tous étaient sujets du maître de l'ordre, désigné à vie, qui supervisait
à la fois les efforts militaires de l'ordre en Orient et ses
possessions financières en Occident.
Avec
la forte demande de chevaliers, certains parmi eux se sont aussi
engagés à la commande pendant une période prédéterminée avant d'être
renvoyés à la vie séculière, comme les Fratres conjugati, qui
étaient des frères mariés. Ils portaient le manteau noir ou brun avec la
croix rouge pour les distinguer des frères ayant choisi le célibat et
qui n'avaient pas le même statut que ces derniers.
Les
frères servants (frères casaliers et frères de métiers) étaient choisis
parmi les sergents qui étaient d'habiles marchands ou alors incapables
de combattre en raison de leur âge ou d'une infirmité. La grande
majorité des Templiers, incluant les chevaliers et les maîtres de
l'ordre, étaient incultes et illettrés, n'étant pas issus de la haute
noblesse mais de familles plus obscures.
À
tout moment, chaque chevalier avait environ dix personnes dans des
positions de soutien. Quelques frères seulement se consacraient aux
opérations bancaires (spécialement ceux qui étaient éduqués), car
l'ordre a souvent eu la confiance des participants aux croisades pour la
bonne garde de marchandises précieuses. Cependant, la mission première
des Chevaliers du Temple restait la protection militaire des pèlerins de
Terre sainte.
Les maîtres de l'ordre du Temple
L'expression « grand maître » pour désigner le chef suprême de l'ordre est apparue à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle
dans des chartes tardives et dans les actes du procès des Templiers.
Puis, elle a été reprise et popularisée par certains historiens des XIXe et XXe siècles.
Elle est aujourd'hui largement répandue. Or, ce grade n'existait pas
dans l'ordre et les Templiers eux-mêmes ne semblaient pas l'utiliser.
Cependant, dans des textes tardifs apparaissent les qualificatifs de
« maître souverain » ou « maître général » de l'ordre. Dans la règle et
les retraits de l'ordre, il est appelé Li Maistre
et un grand nombre de dignitaires de la hiérarchie pouvaient être
appelés ainsi sans l'adjonction d'un qualificatif particulier. Les
précepteurs des commanderies pouvaient être désignés de la même façon.
Il faut donc se référer au contexte du manuscrit pour savoir de qui l'on
parle. En Occident comme en Orient, les hauts dignitaires étaient
appelés maîtres des pays ou provinces : il y avait donc un maître en
France, un maître en Angleterre, un maître en Espagne, etc. Aucune
confusion n'était possible puisque l'ordre n'était dirigé que par un
seul maître à la fois, celui-ci demeurant à Jérusalem. Pour désigner le
chef suprême de l'ordre, il convient de dire simplement le maître de
l'ordre et non grand maître.
Durant sa période d'existence, s'étalant de 1129 à 1312, soit 183 ans, l'ordre du Temple a été dirigé par vingt-trois maîtres.
Protection des pèlerins et garde de reliques
La
vocation de l'ordre du Temple était la protection des pèlerins
chrétiens pour la Terre sainte. Ce pèlerinage comptait parmi les trois
plus importants de la chrétienté du Moyen Âge. Il durait plusieurs
années et les pèlerins devaient parcourir près de douze mille kilomètres
aller-retour à pied, ainsi qu'en bateau pour la traversée de la mer Méditerranée.
Les convois partaient deux fois par an, au printemps et en automne.
Généralement, les pèlerins étaient débarqués à Acre, appelée aussi Saint-Jean-d'Acre,
puis devaient se rendre à pied sur les lieux saints. En tant que gens
d'armes (gendarme), les Templiers sécurisaient les routes, en
particulier celle de Jaffa à Jérusalem et celle de Jérusalem au
Jourdain. Ils avaient également la garde de certains lieux saints :
Bethléem, Nazareth, le Mont des Oliviers, la vallée de Josaphat, le
Jourdain, la colline du Calvaire et le Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Tous
les pèlerins avaient droit à la protection des Templiers. Ainsi, ces
derniers participèrent aux croisades, pèlerinages armés, pour effectuer
la garde rapprochée des souverains d'Occident. Aussi, en 1147, les
Templiers prêtèrent main forte à l'armée du roi Louis VII attaquée dans
les montagnes d'Asie Mineure durant la
deuxième croisade (1147-1149). Cette action permit la poursuite de
l'expédition et le roi de France leur en fut très reconnaissant. Lors de
la troisième croisade (1189-1192), les Templiers et les Hospitaliers
assuraient respectivement l'avant-garde et l'arrière-garde de l'armée de
Richard Cœur de Lion dans les combats
en marche. Lors de la cinquième croisade, la participation des ordres
militaires, et donc les Templiers, a été décisive dans la protection des
armées royales de Louis IX devant Damiette.
L'ordre
du Temple a aidé exceptionnellement les rois en proie à des difficultés
financières. À plusieurs reprises dans l'histoire des croisades, les
Templiers renflouèrent les caisses royales momentanément vides (croisade
de Louis VII), ou payèrent les rançons de rois faits prisonniers
(croisade de Louis IX).
En Orient comme en Occident, l'ordre du Temple était en possession de reliques.
Il était parfois amené à les transporter pour son propre compte ou bien
convoyait des reliques pour autrui. Les chapelles templières abritaient
les reliques des saints auxquelles elles étaient dédiées. Parmi les
plus importantes reliques de l'ordre se trouvaient le manteau de saint
Bernard, des morceaux de la couronne d'épines, des fragments de la Vraie
Croix.
Les sceaux templiers
Le mot sceau vient du latin sigillum
signifiant marque. C'est un cachet personnel qui authentifie un acte et
atteste d'une signature. Il existe une vingtaine de sceaux templiers
connus. Ils appartenaient à des maîtres, hauts dignitaires, commandeurs
ou chevaliers de l'ordre au XIIIe siècle.
Leurs diamètres varient entre quinze et cinquante millimètres. Les
sceaux templiers français sont conservés au service des sceaux des
Archives nationales de France. Le sceau templier le plus connu est celui
des maîtres de l'ordre sigilum militum xristi qui représente deux chevaliers armés chevauchant le même cheval.
Il
n'y a pas de consensus établi sur le symbolisme des deux chevaliers sur
un même cheval. Contrairement à une idée souvent répétée, il ne
s'agirait pas de mettre en avant l'idéal de pauvreté puisque l'ordre
fournissait au moins trois chevaux à ses chevaliers. L'historien Georges
Bordonove exprime une hypothèse qui peut se prévaloir d'un document
d'époque avec Bernard dans son De laude nouae militiae.
« Leur
grandeur tient sans doute à cette dualité quasi institutionnelle :
moine, mais soldat [...] Dualité qu'exprime peut-être leur sceau le plus
connu qui montre deux chevaliers, heaumes en têtes, lances baissées,
sur le même cheval : le spirituel et le temporel [...] chevauchant la
même monture, menant au fond le même combat, mais avec des moyens
différents.) »
Alain
Demurger explique pour sa part que certains historiens ont cru y
reconnaître les deux fondateurs de l'ordre, Hughes de Payns et Godefroy
de Saint-Omer. Il retient cependant une autre explication : Le sceau
symboliserait la vie commune, l'union et le dévouement.
Tenues des chapitres
Un chapitre (Latin : capitulum, diminutif de caput,
sens premier : « tête ») est une partie d'un livre qui a donné son nom à
la réunion de religieux dans un monastère durant laquelle étaient lus
des passages des textes sacrés ainsi que des articles de la règle.
L'usage vient de la règle de saint Benoît qui demandait la lecture
fréquente d'un passage de la règle à toute la communauté réunie (RB §66,
8). Par extension, la communauté d'un monastère est appelée le
chapitre. La salle spécifiquement bâtie pour recevoir les réunions de
chapitre est aussi appelée « salle capitulaire », « salle du chapitre »,
ou tout simplement « chapitre ». La tenue se déroule à huis clos et il
est strictement interdit aux participants de répéter ou de commenter à
l'extérieur ce qui s'est dit durant le chapitre.
Dans l'ordre du Temple, il existait deux types de réunion de chapitre : le chapitre général et le chapitre hebdomadaire.
Le transport maritime
Le
lien entre l'Orient et l'Occident était essentiellement maritime. Pour
les Templiers, l'expression "outre-mer" désignait l'Europe tandis que
« l'en deçà des mers » et plus précisément de la mer Méditerranée,
représentait l'Orient. Afin d'assurer le transport des biens, des armes,
des frères de l'ordre, des pèlerins et des chevaux, l'ordre du Temple
avait fait construire ses propres bateaux. Il ne s'agissait pas d'une
flotte importante, comparable à celles des XIVe et XVe siècles,
mais de quelques navires qui partaient des ports de Marseille,Nice
(Conte de Nice) Saint-Raphaël, Collioure ou d'Aigues-Mortes en France et
d'autres ports italiens. Ces bateaux se rendaient dans les ports
orientaux après de nombreuses escales.
Plutôt
que de financer l'entretien de navires, l'ordre pratiquait la location
de bateaux de commerce appelés « nolis ». Inversement, la location de
nefs templières à des marchands occidentaux était pratiquée. Il était
d'ailleurs financièrement plus avantageux d'accéder aux ports exonérés
de taxes sur les marchandises que de posséder des bateaux. Les
commanderies situées dans les ports jouaient donc un rôle important dans
les activités commerciales de l'ordre. Des établissements templiers
étaient installés à Gênes, Pise ou Venise, mais c'était dans le sud de
l'Italie, plus particulièrement à Brindisi, que les nefs templières
méditerranéennes passaient l'hiver.
Les Templiers d'Angleterre se fournissaient en vin du Poitou à partir du port de La Rochelle.
On
distinguait deux sortes de bateaux, les nefs et les galères. Il n'est
pas prouvé que des huissiers, c'est-à-dire les bateaux munis d'un huis
(autrement dit d'une porte) et réservés au transport des chevaux, aient
appartenu au Temple.
L'article 119 des retraits de la Règle indique que « tous
les vaisseaux de mer qui sont de la maison d'Acre sont au commandement
du commandeur de la terre. Et le commandeur de la voûte d'Acre, et tous
les frères qui sont sous ses ordres sont en son commandement et toutes
les choses que les vaisseaux apportent doivent être rendues au
commandeur de la terre. »
Le
port d'Acre était le plus important de l'ordre. La voûte d'Acre était
le nom d'un des établissements possédés par les Templiers dans la ville,
celui-ci se trouvant près du port. Entre la rue des Pisans et la rue
Sainte-Anne, la voûte d'Acre comprenait un donjon et des bâtiments
conventuels.
Voici les noms de navires du Temple :
- Le Templère, le Buscart, le Buszarde du Temple vers 1230 reliant l'Angleterre au continent
- La Bonne Aventure en 1248, la Rose du Temple en 1288-1290 à Marseille
- L'Angellica en Italie du sud
- Le Faucon en 1291 et 1301 ainsi que La Santa Anna en 1302 à Chypre.
Les Templiers
Des
hommes de toutes origines et de toutes conditions constituaient le
corps du peuple templier à chaque niveau de la hiérarchie. Différents
textes permettent aujourd'hui de déterminer l'apparence des frères
chevaliers et sergents.
L'habit
La
reconnaissance de l'ordre du Temple ne passait pas seulement par
l'élaboration d'une règle et un nom, mais aussi par l'attribution d'un
code vestimentaire particulier propre à l'ordre du Temple.
Le manteau des Templiers faisait référence à celui des moines cisterciens.
Seuls
les chevaliers, les frères issus de la noblesse, avaient le droit de
porter le manteau blanc, symbole de pureté de corps et de chasteté. Les
frères sergents, issus de la paysannerie, portaient quant à eux un
manteau de bure, sans pour autant que ce dernier ait une connotation
négative. C'était l'ordre qui remettait l'habit et c'est aussi lui qui
avait le pouvoir de le reprendre. L'habit lui appartenait, et dans
l'esprit de la règle, le manteau ne devait pas être un objet de vanité.
Il y est dit que si un frère demandait un plus bel habit, on devait lui
donner le « plus vil ».
La perte de l'habit était prononcée par la justice du chapitre pour les frères qui avaient enfreint gravement le règlement. Il signifiait un renvoi temporaire ou définitif de l'ordre.
Dans sa bulle Vox in excelso
d'abolition de l'ordre du Temple, le pape Clément V indiqua qu'il
supprimait « le dit ordre du Temple et son état, son habit et son nom »,
ce qui montre bien l'importance que l'habit avait dans l'existence de
l'ordre.
La croix rouge
Il
semble que la croix rouge n'ait été accordée que tardivement aux
Templiers, en 1147, par le pape Eugène III. Il aurait donné le droit de
la porter sur l'épaule gauche, du côté du cœur. La règle de l'ordre et
ses retraits ne faisaient pas référence à cette croix. Cependant, la
bulle papale Omne datum optimum la nomma par deux fois. Aussi
est-il permis de dire que les Templiers portaient déjà la croix rouge en
1139. C'est donc sous la maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître
de l'ordre, que la « croix de gueules » devint officiellement un insigne
templier. Il est fort probable que la croix des Templiers ait été issue
de la croix de l'ordre du Saint-Sépulcre dont avaient fait partie
Hugues de Payns et ses compagnons d'arme. Cette croix rouge était
potencée, cantonnée de quatre petites croix appelées croisettes.
La
forme de la croix des Templiers n'a jamais été fixée. L'iconographie
templière la présenta grecque simple, ancrée, fleuronnée ou pattée.
Quelle qu'ait été sa forme, elle indiquait l'appartenance des Templiers à
la chrétienté et la couleur rouge rappelait le sang versé par le
Christ. Cette croix exprimait aussi le vœu permanent de croisade
à laquelle les Templiers s'engageaient à participer à tout moment. Il
faut cependant préciser que tous les Templiers n'ont pas participé à une
croisade.
Le visage templier
Dans son homélie (1130-1136), appelée De laude nouae militiae (Éloge de la nouvelle milice),
Bernard de Clairvaux présente un portrait physique et surtout moral des
Templiers, qui s'opposait à celui des chevaliers du siècle :
- « Ils se coupent les cheveux ras, sachant de par l'Apôtre que c'est une ignominie pour un homme de soigner sa coiffure. On ne les voit jamais peignés, rarement lavés, la barbe hirsute, puant la poussière, maculés par les harnais et par la chaleur... ».
Bien
que contemporaine des Templiers, cette description était plus
allégorique que réaliste, Saint Bernard ne s'étant jamais rendu en
Orient. Par ailleurs, l'iconographie templière est mince. Dans les rares
peintures les représentant à leur époque, leurs visages, couverts d'un
heaume, d'un chapeau de fer ou d'un camail, ne sont pas visibles ou n'apparaissent que partiellement.
Dans
l'article 28, la règle latine précisait que « les frères devront avoir
les cheveux ras », ceci pour des raisons à la fois pratiques et
d'hygiène dont ne parlait pas saint Bernard, mais surtout « afin de se
considérer comme reconnaissant la règle en permanence ». De plus, « afin
de respecter la règle sans dévier, ils ne doivent avoir aucune
inconvenance dans le port de la barbe et des moustaches. » Les frères
chapelains étaient tonsurés et imberbes. De nombreuses miniatures,
qui représentent les Templiers sur le bûcher, ne sont ni
contemporaines, ni réalistes. À ce moment, certains s'étaient même rasés
pour montrer leur désengagement de l'ordre.
Enfin, les peintres officiels du XIXe siècle
ont imaginé les Templiers à leur manière, mêlant idéalisme et
romantisme, avec de longues chevelures et de grandes barbes.
La vie quotidienne
« [...]
car de notre vie vous ne voyez que l'écorce qui est par dehors. Car
l'écorce est telle que vous nous voyez avoir beaux chevaux et belles
robes, et ainsi vous semble que vous serez à votre aise. Mais vous ne
savez pas les forts commandements qui sont par dedans. Car c'est une
grande chose que vous, qui êtes sire de vous-même, deveniez serf
d'autrui. » (Extrait de l'article 661 de la règle).
La
règle de l'ordre et ses retraits nous informent de manière précise sur
ce que fut la vie quotidienne des Templiers en Occident comme en Orient.
Cette vie était partagée entre les temps de prières, la vie collective
(repas, réunions), l'entraînement militaire, l'accompagnement et la
protection des pèlerins, la gestion des biens de la maison, le commerce,
la récolte des taxes et impôts dus à l'ordre, le contrôle du travail
des paysans sur les terres de l'ordre, la diplomatie, la guerre et le
combat contre les infidèles.
Les Templiers et la guerre
Le cheval
Un
ordre de chevalerie ne va pas sans cheval. Ainsi, l'histoire de l'ordre
du Temple fut intimement liée à cet animal. Pour commencer, un noble
qui était reçu dans l'ordre pouvait faire don de son destrier, un cheval
de combat que les écuyers tenaient à dextre, c'est-à-dire à droite.
Après 1140, on comptait de nombreux donateurs de la grande noblesse
léguant aux Templiers des armes et des chevaux.
Pour
équiper son armée, l'ordre du Temple fournissait trois chevaux à chacun
de ses chevaliers dont l'entretien était assuré par un écuyer (articles
30 & 31 de la règle). La règle précise que les frères pouvaient
avoir plus de trois chevaux, lorsque le maître les y autorisait. Cette
mesure visait sans doute à prévenir la perte des chevaux, afin que les
frères eussent toujours trois chevaux à disposition.
Ces
chevaux devaient être harnachés de la plus simple manière exprimant le
vœu de pauvreté. Selon la règle (article 37) « Nous défendons totalement
que les frères aient de l'or et de l'argent à leur brides, à leurs
étriers et à leurs éperons ». Parmi ces chevaux se trouvait un destrier
qui était entraîné au combat et réservé à la guerre. Les autres chevaux
étaient des sommiers ou bêtes de somme de race comtoise ou percheronne.
Ce pouvaient être aussi des mulets appelés « bêtes mulaces ». Ils
assuraient le transport du chevalier et du matériel. Il y avait aussi le
palefroi, plus spécialement utilisé pour les longs déplacements.
Selon
les retraits, la hiérarchie de l'ordre s'exprimait à travers
l'attribution réglementaire des montures. Les retraits commencent
ainsi : « Le maître doit avoir quatre bêtes... » indiquant l'importance
du sujet. D'ailleurs, les trois premiers articles du maître de l'ordre
(articles 77, 78 et 79) portaient sur son entourage et le soin aux
chevaux. On apprend ainsi que les chevaux étaient nourris en mesures d'orge
(céréale coûteuse et donnant beaucoup plus d'énergie aux chevaux que la
simple ration de foin) et qu'un maréchal-ferrant se trouvait dans
l'entourage du maître.
Parmi les chevaux du maître se trouvait un turcoman, pur sang arabe qui était un cheval de guerre d'élite et de grande valeur car très rapide.
Quatre
chevaux étaient fournis à tous les hauts dignitaires : sénéchal,
maréchal, commandeur de la terre et du royaume de Jérusalem, commandeur
de la cité de Jérusalem, commandeurs de Tripoli et d'Antioche, drapier,
commandeurs des maisons (commanderies), turcopolier. Les frères sergents
tels que le sous-maréchal, le gonfanonier, le cuisinier, le
maréchal-ferrant et le commandeur du port d'Acre avaient droit à deux
chevaux. Les autres frères sergents ne disposaient que d'une seule
monture. Les turcopoles, soldats arabes au service de l'ordre du Temple, devaient fournir eux-mêmes leurs chevaux.
C'était
le maréchal de l'ordre qui veillait à l'entretien de tous les chevaux
et du matériel, armes, armures et harnais, sans lesquels la guerre
n'était pas possible. Il était responsable de l'achat des chevaux
(article 103) et il devait s'assurer de leur parfaite qualité. Un cheval
rétif devait lui être montré (article 154) avant d'être écarté du
service.
Les
destriers étaient équipés d'une selle à "croce" (à crosse), appelée
aussi selle à arçonnière, qui était une selle montante pour la guerre et
qui permettait de maintenir le cavalier lors de la charge. Les
commanderies du sud de la France, mais aussi celles de Castille,
d'Aragon et de Gascogne, étaient spécialisées dans l'élevage des
chevaux. Ceux-ci étaient ensuite acheminés dans les États latins
d'Orient par voie maritime. Pour cela, ils étaient transportés dans les
cales des nefs templières et livrés à la caravane du maréchal de l'ordre
qui supervisait la répartition des bêtes selon les besoins. Lorsqu'un
Templier mourait ou était envoyé dans un autre État, ses chevaux
revenaient à la maréchaussée (article 107).
Rares
sont les représentations des Templiers. Il nous est cependant parvenu
une peinture murale d'un chevalier du Temple en train de charger sur son
destrier. Il s'agit d'une fresque de la chapelle de Cressac en Charente, datant de 1170 ou 1180.
L'équipement militaire
Le noble des XIIe et XIIIe siècles
devait se faire confectionner un équipement complet (vêtement et armes)
pour être adoubé chevalier. Ce matériel, nécessitant essentiellement
des métaux, valait une fortune et pesait environ cinquante kilos. Les chevaliers et sergents templiers devaient disposer d'un tel équipement.
La protection du corps était assurée par un écu, une cotte de maille et un heaume.
- L'écu (ou bouclier) de forme triangulaire, pointe en bas, était fait de bois et recouvert d'une feuille de métal ou de cuir. Il servait à protéger le corps, mais sa taille fut réduite dans le courant du XIIe siècle pour être allégé et donc plus maniable.
- La cotte de mailles était constituée de milliers d'anneaux en fer d'un centimètre de diamètre entrelacés et parfois rivetés. Cette cotte était constituée de quatre parties : les chausses de mailles attachées à la ceinture par des lanières de cuir, le haubert protégeait le corps et les bras et le camail ou coiffe de mailles. Un mortier ou casquette en cuir était posé sur la tête pour supporter le heaume. Les mains étaient protégées par des gants en mailles appelés gants d'arme (article 325 de la Règle). Il est à noter que le haubert fut raccourci au genou au cours du XIIIe siècle pour être plus léger.
- Le heaume était sans visière mobile, ou prenait la forme d'un chapeau de fer ne protégeant pas le visage.
Le
sous-vêtement se composait d'une chemise de lin et de braies. La
protection du corps était renforcée par le port de chausses de cuir
attachées par des lanières, et un gambison
ou gambeson en cuir. Pour finir, le surcot, porté sur la cotte, est
aussi appelé jupon d'arme ou cotte d'arme. Il était cousu d'une croix
rouge, insigne de l'ordre, devant comme derrière. Il permettait de
reconnaître les combattants Templiers sur le champ de bataille comme en
tout lieu. Le baudrier, porté autour des reins, était une ceinture
spéciale qui permettait d'accrocher l'épée et de maintenir le surcot
près du corps.
Selon Georges Bordonove, le Templier recevait une épée, une lance, une masse et un couteau lors de sa réception dans l'ordre.
Maniée
à deux mains, l'épée avait un double tranchant et un bout arrondi. En
effet, elle devait être maniée de façon à frapper de "taille",
c'est-à-dire avec le tranchant. Elle était pratiquement employée comme
une masse d'arme dans la mesure où elle ne pouvait transpercer une cotte
de mailles. Toutefois, contre un ennemi qui n'avait pas cette
protection, l'épée se révélait plus efficace et plus élégante que la
masse.
La
masse d'arme templière était principalement une masse dite turque aux
pointes saillantes. L'épée et les masses servaient à frapper l'ennemi de
manière à lui briser les os. Les blessés mouraient alors d'hémorragie
interne. La lance était une perche en bois terminée par une pointe en
fer forgé appelée tête de fer. Chaque frère détenait trois couteaux dont
un couteau d'arme, un autre "de pain taillé" qui servait à manger et un
canif à lame étroite.
Le drapeau
Le drapeau de l'ordre du Temple était appelé le gonfanon baucent. Baucent, qui signifie bicolore, avait plusieurs graphies : baussant, baucent ou balcent.
C'était un rectangle vertical composé de deux bandes, l'une blanche et
l'autre noire, coupées au tiers supérieur. Porté en hauteur au bout
d'une lance, il était le signe de ralliement des combattants templiers
sur le champ de bataille, protégé en combat par une dizaine de
chevaliers. Celui qui en était responsable était appelé le gonfanonier.
Selon la circonstance, le gonfanonier désignait un porteur qui pouvait
être un écuyer, un soldat turcopole ou une sentinelle. Le gonfanonier
chevauchait devant et conduisait son escadron sous le commandement du
maréchal de l'ordre.
Le
gonfanon devait être visible en permanence sur le champ de bataille et
c'est pourquoi il était interdit de l'abaisser. Ce manquement grave au
règlement pouvait être puni par la sanction la plus sévère, c’est-à-dire
la perte de l'habit qui signifiait le renvoi de l'ordre. Selon
l'historien Georges Bordonove[34],
lorsque le gonfanon principal tombait parce que son porteur et sa garde
avaient été tués, le commandeur des chevaliers déroulait un étendard de
secours et reprenait la charge. Si celui-ci venait à disparaître à son
tour, un commandeur d'escadron devait lever son pennon noir et blanc et
rallier tous les Templiers présents.
Si les couleurs templières n'étaient plus visibles, les Templiers survivants devaient rejoindre la bannière des Hospitaliers. Dans le cas où celle-ci était tombée, les Templiers devaient rallier la première bannière chrétienne qu'ils apercevaient.
Le
gonfanon baucent est représenté dans les fresques de la chapelle
templière San Bevignate de Pérouse en Italie. La bande blanche se situe
dans la partie supérieure. Il est aussi dessiné dans la chronica majorum, les Chroniques de Matthieu Paris en 1245. Dans ce cas, la bande blanche se trouve dans la partie inférieure.
Le saint patron
Le saint patron
et protecteur des Templiers était saint Georges, le saint chevalier. Il
était également le patron de l’ordre Teutonique et plus généralement de
tous les chevaliers chrétiens. Son tombeau est vénéré à Lydda en Israël.
Les Templiers vus par leurs ennemis
Les croisés dans leur ensemble étaient perçus par les Arabes comme des barbares, ignorants et puérils. Au début du XIIe siècle,
les Templiers se révélèrent être les combattants les plus redoutables
que durent affronter les Arabes. Cependant, en dehors du champ de
bataille, on note qu'une certaine tolérance religieuse les animait. En
1140, l'émir et chroniqueur Oussama ibn Mounqidh, par ailleurs
ambassadeur auprès des Francs, se rendit à Jérusalem. Il avait
l'habitude d'aller à l'ancienne mosquée al-Aqsa, « lieu de résidence de mes amis les Templiers ».
L'émir rapporta une anecdote pendant laquelle les Templiers prirent
ouvertement sa défense lors de la prière. Alors que la façon de prier
des musulmans était à la fois inconnue et incomprise des Francs
nouvellement arrivés en Orient, les Templiers, eux, faisaient respecter
ce culte, même si celui-ci était qualifié d'infidèle.
Quelques
années plus tard, en 1187, lors de la bataille de Hattin, le chef
musulman Saladin fit décapiter au sabre, sur place et en sa présence,
près de deux cent trente Templiers prisonniers. Le secrétaire
particulier de Saladin concluait en parlant de son maître : « Que de
maux il guérit en mettant à mort un Templier ». En revanche, les chefs
militaires arabes épargnaient les maîtres de l'ordre prisonniers parce
qu'ils savaient que dès qu'un maître mourait, il était immédiatement
remplacé.
Les principales batailles
Dans
l'action militaire, les Templiers étaient des soldats d'élite. Ils ont
fait preuve de courage et se sont révélés être de fins stratèges. Ils
étaient présents sur tous les champs de batailles où se trouvait l'armée
franque et ont intégré les armées royales dès 1129.
- Second siège d'Ascalon (16 août 1153)
Le
siège de Damas ayant été une grosse défaite pour le roi de Jérusalem,
Baudouin III, celui-ci décida de lancer une attaque sur Ascalon.
Le
maître de l'ordre, Bernard de Tramelay, appuya l'avis du roi et
l'attaque fut lancée le 16 août 1153. Ce fut une hécatombe pour les
Templiers qui pénètrèrent au nombre de quarante dans la cité derrière
leur Maître. En effet, ils furent tous tués par les défenseurs égyptiens
de la cité et leurs corps suspendus aux remparts.
Cet
épisode a soulevé de nombreuses polémiques car certains prétendirent
que les Templiers voulaient entrer seuls dans la cité afin de
s'approprier tous les biens et trésors alors que d'autres pensaient
qu'ils voulaient, au contraire, marquer l'ordre d'un fait d'arme.
Toutefois,
la ville d'Ascalon tomba le 22 août 1153 et l'ordre du Temple élut un
nouveau maître : André de Montbard. Il accepta cette nomination pour
contrer l'élection d'un autre chevalier du Temple, Guillaume II de
Chanaleilles, fils de Guillaume Ier (l'un des héros de la Première
croisade aux côtés du comte de Toulouse Raymond IV, dit Raymond de Saint-Gilles), favori du roi de France Louis VII et qui aurait permis au roi de contrôler l'ordre.
- Bataille de Montgisard (25 novembre 1177)
Cette
bataille, menée le 25 novembre 1177, fut l'une des premières du jeune
roi de Jérusalem Baudouin IV, alors âgé de seize ans. Les troupes du roi
avaient été renforcées par quatre-vingts Templiers venus de Gaza à
marche forcée.
Cette alliance de forces eut raison de l'armée de Saladin à Montgisard, près de Ramla.
- Bataille de Hattin (4 juillet 1187)
Après la mort du roi Baudouin V, Guy de Lusignan devint roi de Jérusalem par le biais de sa femme Sybille, sœur du roi Baudouin IV.
Sur
les conseils du Temple (alors commandé par Gérard de Ridefort) et de
l'Hôpital, Guy de Lusignan apprêta l'armée. Comme le temps était
particulièrement aride et que l'unique point d'eau se situait à Hattin,
près de Tibériade, le roi fit prendre cette direction à ses troupes.
Le
4 juillet 1187, Saladin encercla les Francs. Presque toute l'armée fut
faite prisonnière (environ quinze mille hommes), ainsi que le roi
lui-même. Saladin ayant une aversion particulière pour les Templiers,
ceux-ci ont tous été exécutés par décapitation (ainsi que tous les
Hospitaliers). Un seul Templier fut épargné, le maître en personne :
Gérard de Ridefort.
- Bataille d'Arsouf (7 septembre 1191)
Après la chute de Jérusalem, une troisième croisade fut lancée à partir de l'Europe. Richard Cœur de Lion
se retrouva seul après le retrait de la majorité des troupes allemandes
de Frédéric Barberousse (après la noyade de ce dernier dans un fleuve)
et le retour de Philippe Auguste en France. Richard fit marcher son
armée le long de la mer, ce qui lui permit de rester en communication
avec sa flotte et, ainsi, d'assurer continuellement l'approvisionnement
de ses troupes. Formée d'une immense colonne, l'armée de Richard avait
pour avant-garde le corps des Templiers mené par le maître de l'Ordre du
Temple, Robert de Sablé, venaient ensuite les Bretons et les Angevins, Guy de Lusignan avec ses compatriotes Poitevins, puis les Normands et les Anglais et enfin en arrière-garde les Hospitaliers.
Dans
les premiers temps de la bataille, Richard subit l'initiative de
Saladin mais reprit la situation en main pour finalement mettre l'armée
de Saladin en déroute par deux charges successives de la chevalerie
franque et ce malgré le déclenchement prématuré de la première charge.
- Bataille de Mansourah (8 février 1250)
Le comte Robert Ier d'Artois, désobéissant aux ordres de son frère le roi Louis IX,
voulut attaquer les troupes égyptiennes malgré les protestations des
Templiers qui lui recommandaient d'attendre le gros de l'armée royale.
L'avant-garde franque pénétra dans la cité de Mansourah, s'éparpillant
dans les rues. Profitant de cet avantage, les forces musulmanes
lancèrent une contre-attaque et harcelèrent les Francs. Ce fut une
véritable hécatombe. De tous les Templiers, 295 périrent. Seuls quatre
ou cinq en réchappèrent. Robert d'Artois lui-même, instigateur de cette
attaque sans ordre, y perdit la vie.
Saint
Louis reprit l'avantage le soir même en anéantissant les troupes qui
venaient d'exterminer son avant-garde. Cependant, les Templiers avaient
perdu entre-temps presque tous leurs hommes.
Les Templiers et l'argent
Le financement
Les
Templiers devaient exercer une activité économique, commerciale et
financière pour payer les frais inhérents au fonctionnement de l'ordre
et les dépenses de leurs activités militaires en Orient. Cependant, il
ne faut pas confondre cette activité avec celle de la banque. L'usure,
c'est-à-dire une tractation comportant le paiement d'un intérêt, était
interdite par l'Église aux chrétiens et de surcroît aux religieux.
Comme le dit l'Ancien Testament :
« Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour l'argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. »
Les
Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou
institutions : pèlerins, croisés, marchands, congrégations monastiques,
clergé, rois et princes... Le montant du remboursement était parfois
supérieur à la somme initiale lorsqu'il pouvait être camouflé par un
acte de changement de monnaie. C'était une façon courante de contourner
l'interdit.
Lors
de la croisade de Louis VII, le roi de France en arrivant à Antioche
demanda une aide financière aux Templiers. Le maître de l'ordre, Evrard des Barrès,
fit le nécessaire. Le roi de France écrivait à son intendant en parlant
des Templiers, « nous ne pouvons pas nous imaginer comment nous aurions
pu subsister dans ces pays [Orient] sans leur aide et leur
assistance.(...) Nous vous notifions qu'ils nous prêtèrent et
empruntèrent en leur nom une somme considérable. Cette somme leur doit
être rendue (...). » La somme en question représentait deux mille marcs
d'argent.
La lettre de change
L’activité
financière de l'ordre prévoyait que les particuliers pussent déposer
leurs biens lors d'un départ en pèlerinage vers Jérusalem, Saint-Jacques de Compostelle
ou Rome. Les Templiers inventèrent ainsi le bon de dépôt. Lorsqu'un
pèlerin confiait aux Templiers la somme nécessaire à son pèlerinage, le
frère trésorier lui remettait une lettre sur laquelle était inscrite la
somme déposée. Cette lettre manuscrite et authentifiée prit le nom de
lettre de change. Le pèlerin pouvait ainsi voyager sans argent sur lui
et se trouvait plus en sécurité. Arrivé à destination, il récupérait
auprès d'autres Templiers l'intégralité de son argent en monnaie locale.
Les Templiers ont mis au point et institutionnalisé le service du
change des monnaies pour les pèlerins.
Le trésor de l'ordre
Il
s'agissait d'un coffre fermé à clé dans lequel étaient gardés de
l'argent, des bijoux, mais aussi des archives. Ce coffre-fort était
appelé huche. Le maître de l'ordre à Jérusalem en effectuait la
comptabilité avant que celle-ci ne fût transférée à la fin du XIIIe siècle
au trésorier de l'ordre. Trois articles des retraits de la règle nous
renseignent sur le fonctionnement financier de l'ordre. Le maître
pouvait autoriser le prêt d'argent (sans intérêt) avec ou sans l'accord
de ses conseillers selon l'importance de la somme. Les revenus provenant
des commanderies d'Occident étaient remis au trésor du siège de l'ordre
à Jérusalem.
Tous
les dons en argent de plus de cent besants étaient concentrés dans le
trésor de l'ordre. Les commanderies de Paris ou de Londres servaient de
centres de dépôts pour la France et l'Angleterre. Chaque commanderie
pouvait fonctionner grâce à une trésorerie conservée dans un coffre. Au
moment de l'arrestation des Templiers en 1307, il a été retrouvé un seul
coffre important, celui du visiteur de France, Hugues de Pairaud.
L'argent qu'il contenait a été confisqué par le roi et a immédiatement
rejoint les caisses royales.
La garde du trésor royal
Elle
a débuté en 1146 lorsque Louis VII, en partance pour la deuxième
croisade, avait décidé de laisser le trésor royal sous la garde du
Temple de Paris. Par la suite, cela se développa, si bien que nombre de
souverains firent confiance aux trésoriers de l'ordre. Cette pratique,
qui ne mêlait en rien les activités financières du Temple et celles de
la Couronne, prit fin durant le règne de Philippe IV Le Bel.
Une
autre grande personnalité, Henri II d'Angleterre, avait laissé la garde
du trésor au Temple. Par ailleurs, de nombreux Templiers de la maison
d'Angleterre étaient également des conseillers royaux.
Le patrimoine des Templiers
L'ordre
du Temple possédait principalement deux types de patrimoines bâtis :
des monastères appelés commanderies situés en Occident et des
forteresses situées au Proche-Orient et dans la péninsule ibérique.
La maison du Temple de Jérusalem
La
maison du Temple à Jérusalem fut le siège central de l'ordre depuis sa
fondation en 1129 jusqu'en 1187, date de la chute de la ville sainte
reprise par Saladin. Le siège central fut alors transféré à Acre, ville
portuaire du royaume de Jérusalem. À la perte de la ville par les
chrétiens en 1291, le siège de l'ordre fut à nouveau transféré dans la
terre chrétienne la plus proche, l'île de Chypre.
C'est à Chypre que vivait Jacques de Molay, le dernier maître de
l'ordre avant son retour en France pour y être arrêté. Le siège de
l'ordre n'a jamais été installé en Occident.
Les forteresses orientales
Pour
pallier la faiblesse de leurs effectifs, les croisés entreprirent la
construction de forteresses dans les États latins d'Orient. Les
Templiers ont participé à cet élan en faisant édifier pour leur besoin
de nouveaux châteaux forts. Ils entreprirent également de reconstruire
ceux qui avaient été détruits par Saladin vers 1187 et acceptèrent
d'occuper ceux que les seigneurs d'Orient (ou d'Espagne) leur donnaient
faute de pouvoir les entretenir. Certains d'entre eux permettaient de
sécuriser les routes fréquentées par les pèlerins chrétiens autour de
Jérusalem. Servant d'établissement à la fois militaire, économique et
politique de l'ordre, la place forte représentait pour les populations
musulmanes un centre de domination chrétienne. Les Templiers occupèrent
un nombre plus important de places fortes dans la péninsule ibérique
afin de participer à la Reconquista.
Au XIIe siècle,
après la chute de la ville de Jérusalem devant les forces de Saladin en
1187, les Templiers parvinrent à résister quelques mois dans certaines
de leurs places fortes mais, peu à peu, en perdirent la plus grande
partie.
Il
fallut attendre l'issue de la troisième croisade, menée par les rois de
France, d'Angleterre et l'empereur d'Allemagne, pour que les Templiers
reconstituassent leur dispositif militaire en Terre sainte.
Au XIIIe siècle,
dans le royaume de Jérusalem, les Templiers possédaient quatre
forteresses : le château Pèlerin construit en 1217-1218, la forteresse
de Safed reconstruite en 1240-1243, le château de Sidon et la forteresse
de Beaufort tous deux cédés par Julien, seigneur de Sidon en 1260.
Dans le comté de Tripoli, ils disposaient du château de Tortose reconstruit en 1212, d'Arima et du Chastel Blanc.
Au
nord, dans la principauté d'Antioche, les places fortes templières
étaient Baghras (Gaston) récupérée en 1216, ainsi que Roche de Roissel
et Roche-Guillaume qu'ils détenaient toujours, Saladin ayant renoncé à
les conquérir en 1188.
Les forteresses ibériques
Dès
1128, l'ordre reçoit une première donation au Portugal, des mains de la
comtesse régnante du Portugal, Thérèse de León, veuve d'Henri de Bourgogne :
le château de Soure et ses dépendances. En 1130, l'ordre a reçu 19
propriétés foncières. Vers 1160, Gualdim Pais achève le château de
Tomar, qui devient le siège du Temple au Portugal.
En
1143, Raimond-Bérenger IV, comte de Barcelone, demanda aux Templiers de
défendre l'Église d'Occident en Espagne, de combattre les Maures et
d'exalter la foi chrétienne. Les Templiers acceptèrent non sans
réticence, mais se limitèrent à défendre et pacifier les frontières
chrétiennes et à coloniser l'Espagne et le Portugal. Une nouvelle
population chrétienne venait en effet de s'installer autour des châteaux
donnés aux Templiers, la région étant pacifiée. La Reconquista
fut une guerre royale. De ce fait, les ordres de chevalerie y étaient
moins autonomes qu'en Orient. Ils devaient fournir à l'armée royale un
nombre variable de combattants, proportionnel à l'ampleur de l'opération
militaire en cours.
Ainsi, les Templiers espagnols ont participé à la bataille de Las Navas de Tolosa
en 1212, à la prise de Valencia en 1238, de Tarifa en 1292, à la
conquête de l'Andalousie et du royaume de Grenade. Au Portugal, les
Templiers ont pris part à la prise de Santarém (1146) et à celle
d'Alcácer do Sal (1217).
L'action
de l'ordre du Temple dans la péninsule ibérique fut donc secondaire,
car l'ordre tenait à privilégier ses activités en Terre sainte.
Cependant, il possédait bien plus de places fortes dans la péninsule
ibérique qu'en Orient. En effet, on dénombre au moins soixante-douze
sites rien que pour l'Espagne et au moins six pour le Portugal (on
compte seulement une vingtaine de places fortes en Orient). C'est
également dans cette zone que l'on trouve les édifices qui ont le mieux
résisté au temps (ou qui ont bénéficié de restaurations), comme par
exemple les châteaux d'Almourol, Miravet, Tomar et Peñíscola.
Les forteresses dans l'Europe de l'Est
À
la différence de l'Orient et de la péninsule ibérique où les Templiers
faisaient face aux musulmans, l'Europe de l’Est, où les ordres
religieux-militaires étaient également implantés, les a confrontés au
paganisme. En effet, les territoires de la Pologne, de la Bohême, de la
Moravie, de la Hongrie, mais aussi de la Lituanie et de la Livonie
formaient un couloir de paganisme, constitué de terres sauvages en
grande partie non encore défrichées, pris en tenailles entre l'Occident
catholique et la Russie orthodoxe. Borusses (Prussiens), Lituaniens, Lives
ou Coumans, encore païens, y résistaient à l'avancée - lente mais
inexorable - du christianisme depuis plusieurs siècles. La
christianisation catholique, qui nous intéresse ici, se faisait à
l'initiative de la papauté mais avec le soutien des princes germaniques
convertis (qui y voyaient l'occasion d'agrandir leurs possessions
terrestres en même temps que de renforcer les chances de salut pour leur
âme) et avec l'appui des évêques, notamment celui de Riga, qui tenaient
en quelque sorte des places fortes en territoire païen.
Après
la disparition en 1238 de l'ordre de Dobrin (officiellement reconnu par
le pape Grégoire IX sous le nom « Chevaliers du Christ de Prusse »),
qui avait procédé aux premières conversions, les Templiers se virent
invités formellement à prendre pied en Europe orientale. À cet effet,
furent octroyés à l'ordre trois villages le long de la rivière Bug ainsi
que la forteresse de Łuków (qu'ils se virent confier en 1257, en même
temps que la mission de défendre la présence chrétienne dans cette
région). Tout au long du XIIIe siècle,
la présence des Templiers en Europe orientale est allée en augmentant
et on compta jusqu’à quatorze établissements et deux forteresses
templières.
Cependant,
les Templiers (tout comme les Hospitaliers, qui furent également
présents en Europe orientale) cédèrent rapidement la place à l’ordre
Teutonique dans la lutte contre le paganisme dominant ces régions
reculées. Les deux ordres hésitaient à ouvrir un troisième front venant
s'ajouter à ceux de la Terre sainte et de la péninsule ibérique, alors
que l'idée première de cette installation aux frontières du
christianisme était surtout de diversifier les sources de revenus afin
de financer la poursuite des activités principales de l'ordre en Terre
sainte.
Autre
région d'Europe orientale, mais plus méridionale, la Hongrie dut faire
face tout comme la Pologne aux invasions dévastatrices des Mongols aux
alentours de 1240. Présents là aussi, les Templiers envoyaient des
informations aux rois occidentaux sans pour autant arriver à les alerter
suffisamment pour qu'une réaction volontaire et efficace fût
déclenchée.
Les commanderies
Une
commanderie était un monastère dans lequel vivaient les frères de
l'ordre en Occident. Elle servait de base arrière afin de financer les
activités de l'ordre en Orient et d'assurer le recrutement et la
formation militaire et spirituelle des frères de l'ordre. Elle s'est
constituée à partir de donations foncières et immobilières. Le terme
préceptorie, est à tort employé: « ...Il est donc
absurde de parler de "préceptorie" alors que le mot français correct
est "commanderie"; et il est de plus ridicule de distinguer deux
structures différentes, préceptorie et commanderie... »
La plupart des biens possédés par l'ordre du Temple provenaient de dons ou de legs.
Dans les premières années de sa création, les dons fonciers ont permis à
l'ordre de s'établir partout en Europe. Puis, il y a eu trois grandes
vagues de donations de 1130 à 1140, de 1180 à 1190 et de 1210 à 1220.
Tout d'abord, on peut noter que tous les hommes qui entraient dans
l'ordre pouvaient faire le don d'une partie de leurs biens au Temple.
Ensuite, les dons pouvaient provenir de toutes les catégories sociales,
du roi au laïc. Par exemple, le roi Henri II d'Angleterre céda au Temple
la maison forte de Sainte-Vaubourg et son
droit de passage sur la Seine au Val-de-la-Haye, en Normandie. Un autre
exemple que l'on peut citer est le don fait en 1255 par le chanoine
Étienne Collomb de la cathédrale Saint-Étienne d'Auxerre d'un cens perçu
dans le bourg de Saint-Amâtre.
Même
si les dons étaient en majorité composés de biens fonciers ou de
revenus portant sur des terres, les dons de rentes ou revenus
commerciaux n'étaient pas négligeables. Par exemple, Louis VII céda en
1143-1144 une rente de vingt-sept livres établies sur les étals des
changeurs à Paris.
Les dons pouvaient être de trois natures différentes :
- Donation pro anima : il pouvait s'agir d'une donation importante (qui était souvent à l'origine de la création d'une commanderie) ou alors d'un don foncier mineur ne portant que sur quelques parcelles. La motivation du donateur était d'invoquer le salut de son âme ou la rémission de ses pêchés.
- Donation in extremis : ce type de donation était réalisé en majeure partie par des pèlerins agissant par précaution. Ils effectuaient ce don avant de partir en Terre sainte. Peu nombreuses, ces donations ont été vite remplacées par le legs testamentaire.
- Donation rémunérée : le donateur agissait dans le but de percevoir un contre-don. Il ne s'agissait pas exactement d'une vente mais plutôt d'un don rémunéré, assurant le donateur d'un avoir lui permettant de recevoir de quoi vivre. Le bénéficiaire (à cette occasion l'ordre du Temple) était également gagnant dans ce type de don, le contre-don étant d'une valeur inférieure. Le but de ce type de donation était de faciliter le processus de don, sachant que la cession de tout ou partie d'un bien foncier pouvait sérieusement entamer le revenu du donateur ou celui de ses héritiers. Il n'était pas rare d'ailleurs que certains conflits entre l'ordre et des héritiers survinssent en de pareils cas, le litige se réglant parfois par le biais de la justice.
Après
la réception de ces dons, il restait à l'ordre du Temple d'organiser et
de rassembler le tout en un ensemble cohérent. Pour ce faire, les
Templiers ont procédé à nombre d'échanges ou de ventes afin de
structurer leurs commanderies et de rassembler les terres pour optimiser
le revenu qui pouvait en être tiré. On peut prendre le processus de
remembrement comme parallèle, tout au moins à propos du regroupement des
terres autour ou dépendant d'une commanderie.
Par
essence, on peut citer tous les pays de l'Occident chrétien du Moyen
Âge comme terres d'établissement de l'ordre du Temple. Ainsi, il y eut
des commanderies templières dans les pays actuels suivants : France,
Angleterre, Espagne, Portugal, Écosse, Irlande, Pologne, Hongrie,
Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas. De même, il existait des
commanderies en Orient.
Selon
Georges Bordonove, on peut estimer le nombre de commanderies templières
en France à 700. La qualité de ces vestiges est très diverse
aujourd'hui. Très peu ont pu garder intégralement leurs bâtiments.
Certaines commanderies ont été totalement détruites et n'existent plus
qu'à l'état archéologique, ce qui est le cas par exemple de la
commanderie de Payns dans le fief du fondateur de l'ordre. En France,
trois commanderies ouvertes au public présentent un ensemble complet :
pour le nord, la commanderie de Coulommiers, en région centre se trouve
la commanderie d'Arville et au sud la commanderie de La Couvertoirade.
Seuls
les documents d'archives et en particulier les cartulaires de l'ordre
du Temple permettent d'attester de l'origine templière d'un bâtiment.
La chute de l'ordre
La
chute de l'ordre du Temple fait également l'objet d'une polémique. Elle
serait le fait du roi de France Philippe IV le Bel qui aurait agi dans
le but unique de s'approprier le trésor des Templiers. Cependant, les
raisons pour lesquelles l'ordre a été éliminé sont beaucoup plus
complexes et celles exposées ci-dessous n'en représentent probablement
qu'une infime partie.
Les raisons
L'une des premières raisons fut la perte de la ville de Saint-Jean-d'Acre, qui entraîna celle de la Terre sainte.
En
effet, le 28 mai 1291, les croisés perdirent Acre à l'issue d'un siège
sanglant. Les chrétiens furent alors obligés de quitter la Terre sainte
et les ordres religieux tels que les Templiers ainsi que les Hospitaliers n'échappèrent pas à cet exode. La maîtrise de l'ordre fut déplacée à Chypre.
Or, une fois expulsé de Terre sainte, avec la quasi-impossibilité de la
reconquérir, la question de l'utilité de l'ordre du Temple s'est posée
car il avait été créé à l'origine pour défendre les pèlerins allant à
Jérusalem sur le tombeau du Christ.
Une
querelle opposait également le roi de France Philippe IV le Bel au pape
Boniface VIII, ce dernier ayant affirmé la supériorité du pouvoir
pontifical sur le pouvoir temporel des rois, en publiant une bulle
pontificale en 1302 : Unam Sanctam. La réponse du roi de France
arriva sous la forme d'une demande de concile aux fins de destituer le
pape, lequel excommunia en retour Philippe le Bel et toute sa famille
par la bulle Super Patri Solio.
Boniface VIII mourut le 11 octobre 1303, peu après l'attentat d'Anagni.
Son successeur, Benoît XI, eut un pontificat très bref puisqu'il mourut à
son tour le 7 juillet 1304. Clément V fut élu pour lui succéder le
5 juin 1305.
Or, à la suite de la chute d'Acre, les Templiers se retirèrent à Chypre
puis revinrent en Occident occuper leurs commanderies. Les Templiers
possédaient des richesses immenses, augmentées par les biens issus du
travail de leurs commanderies (bétail, agriculture…) mais (surtout ?)
ils possèdaient une puissance militaire équivalente à quinze mille
hommes dont mille cinq cents chevaliers entraînés au combat, force
entièrement dévouée au pape. Par conséquent, une telle force ne pouvait
que se révéler gênante pour le pouvoir en place. Il est à ajouter que
les légistes royaux, formés au droit romain, cherchaient à exalter la
puissance de la souveraineté royale. Or, la présence du Temple en tant
que juridiction pontificale limitait grandement le pouvoir du roi sur son propre territoire.
L'attentat
d'Anagni est un des reflets de cette lutte des légistes pour assurer un
pouvoir aussi peu limité que possible au roi. La position des légistes,
des gens comme Guillaume de Nogaret, en tant que conseillers du roi a
sûrement eu une influence sur Philippe le Bel.
Enfin,
certains historiens prêtent une part de responsabilité dans la perte de
l'ordre à Jacques de Molay, maître du Temple élu en 1293 à Chypre après
la perte de Saint-Jean-d'Acre. En effet, suite à la perte d'Acre, un
projet de croisade germa de nouveau dans l'esprit de certains rois
chrétiens mais aussi et surtout dans celui du pape Clément V. Le pape
désirait également une fusion des deux ordres militaires les plus
puissants de Terre Sainte et le fit savoir dans une lettre qu'il envoya à
Jacques de Molay en 1306. Le maître y répondit par une autre lettre
dans laquelle il s'opposait à cette idée, sans pour autant être
catégorique. Cependant, les arguments qu'il avança pour étayer ses
propres idées étaient bien minces …
Aujourd'hui,
l’implication du pape dans l’arrestation des templiers pourrait être
soumise à polémique. Certains historiens parlent de 3 rencontres, entre
Philippe le Bel et Clément V, étalées de 1306 à 1308, au cours
desquelles fut statué le sort des templiers. Toutefois, ces historiens
se fondent sur la seule source contemporaine. En effet, un chroniqueur
italien du nom de Giovanni Villani est le seul à indiquer une rencontre
entre le roi et le pape en 1305, soi-disant pour aborder la question de
la suppression de l'ordre. Il est à noter que d'autres historiens
estiment qu'il n'est pas sérieux de se fier uniquement à Villani, car
les italiens de l'époque avaient un fort ressentiment contre Clément V,
pape français. Les mêmes historiens attestent d'une rencontre entre le
roi de France et le pape au mois de mai 1307, quelques mois donc avant
l'arrestation. Les légistes royaux invoqueront, un an après, cette
rencontre en affirmant que le pape avait alors donné son autorisation à
l'arrestation.
Par la bulle Faciens misericordiam,
Clément V nomme en 1308 des commissions pontificales chargées
d'enquêter sur l'ordre, en marge de la procédure séculière engagée par
le Roi de France Philippe le Bel.
L'arrestation des Templiers
L'idée
de détruire l'ordre du Temple était déjà présente dans l'esprit du roi
Philippe IV le Bel, mais ce dernier manquait de preuves et d'aveux afin
d'entamer une procédure. Ce fut chose faite grâce à un atout majeur
déniché par Guillaume de Nogaret en la personne d'un ancien Templier :
Esquieu de Floyran. Celui-ci avoua en 1305 au roi de France les
pratiques obscènes des rites d'entrée dans l'ordre et Philippe le Bel,
personnage très pieux, fut choqué par de tels actes. Il écrivit donc au
Pape pour lui faire part du contenu de ces aveux.
En
même temps, Jacques de Molay, au courant de ces rumeurs, demanda une
enquête pontificale au pape. Ce dernier la lui accorda le 24 août 1307.
Cependant, Philippe le Bel était pressé. Il n'attendit pas les résultats
de l'enquête et dépêcha des messagers le 14 septembre 1307 à tous ses
sénéchaux et baillis, leur donnant des directives afin de procéder à
l'arrestation massive des Templiers en France au cours d'une même
journée, le vendredi 13 octobre 1307. Le but de cette action menée sur
une journée fut de profiter du fait que les Templiers étaient disséminés
sur tout le territoire et ainsi d'éviter que ces derniers, alarmés par
l'arrestation de certains de leurs frères, ne se regroupassent et ne
devinssent alors difficiles à arrêter.
Au
matin du 13 octobre 1307, Guillaume de Nogaret et des hommes d'armes
pénétrèrent dans l'enceinte du Temple de Paris où résidait le maître de
l'ordre Jacques de Molay. À la vue de l'ordonnance royale qui justifiait
cette rafle, les Templiers se laissèrent emmener sans aucune
résistance. À Paris, il fut fait 138 prisonniers, en plus du maître de
l'ordre.
Un
scénario identique se déroula au même moment dans toute la France. La
plupart des Templiers présents dans les commanderies furent arrêtés. Ils
n'opposèrent aucune résistance. Quelques-uns réussirent à s'échapper
avant ou pendant les arrestations. Les prisonniers ont été enfermés pour
la plupart à Paris, Caen, Rouen et au château de Gisors. Tous leurs
biens furent inventoriés et confiés à la garde du Trésor royal.
Ceux
qui, en 1306, avaient recueilli Philippe IV le Bel pendant les émeutes
de Paris se retrouvaient maintenant enfermés en attendant leur procès.
Le procès
Puisque
tous les Templiers du royaume de France avaient été arrêtés, Philippe
IV le Bel enjoignit aux souverains européens (Espagne et Angleterre) de
faire de même. Tous refusèrent car ils craignaient les foudres du pape.
Le roi de France n'en fut pas découragé et ouvrit donc le procès des
Templiers.
Cependant,
l'ordre du Temple était un ordre religieux et ne pouvait subir à ce
titre la justice laïque. Philippe le Bel demanda donc à son confesseur,
Guillaume de Paris, aussi Grand Inquisiteur de France, de procéder aux
interrogatoires des cent trente-huit Templiers arrêtés à Paris. Parmi
ces chevaliers, trente-huit moururent sous la torture, mais surtout le
début des « aveux » avait été enclenché. Parmi les péchés revenant le
plus souvent, l'Inquisition entendit parler du reniement de la
Sainte-Croix, du reniement du Christ, de la sodomie et de l'adoration
d'une idole (appelée le Baphomet). Seuls trois Templiers résistèrent à
la torture et n'avouèrent aucun comportement obscène.
Afin d'essayer de protéger l'ordre du Temple, le pape Clément V fulmina la bulle Pastoralis praeminentiae
qui ordonnait aux souverains européens d'arrêter les Templiers qui
résidaient chez eux et de mettre leurs biens sous la gestion de
l'Église. De plus, le Pape demandait à entendre lui-même les Templiers à
Poitiers. Mais, la plupart des dignitaires étant emprisonnés à Chinon,
le roi Philippe le Bel prétexta que les prisonniers (soixante-douze en
tout et triés par le roi lui-même) étaient trop faibles pour faire le
voyage. Le pape délégua alors deux cardinaux pour aller entendre les
témoins à Chinon. Le manuscrit ou parchemin de Chinon qui en traite
indique que le pape Clément V absout les dirigeants de l'ordre à cette
occasion.
La
première commission pontificale eut lieu le 12 novembre 1309 à Paris.
Elle avait pour but de juger l'ordre du Temple en tant que personne
morale et non comme personne physique. Pour ce faire, elle envoya dès le
8 août une circulaire à tous les évêchés afin de faire venir les
Templiers arrêtés pour qu’ils comparaissent devant la commission. Un
seul frère dénonça les aveux fait sous la torture : Ponsard de Gisy,
précepteur de la commanderie de Payns. Le 6 février 1310, quinze
Templiers sur seize clamèrent leur innocence et furent bientôt suivis
par la plupart de leurs frères.
Le
roi de France souhaita alors gagner du temps et fit nommer à
l'archiépiscopat de Sens un archevêque qui lui était totalement dévoué :
Philippe de Marigny (demi-frère d'Enguerrand de Marigny).
Celui-ci
envoya cinquante-quatre Templiers au bûcher le 12 mai 1310, suite à
leurs aveux extorqués sous la torture en 1307. Tous les interrogatoires
furent terminés le 26 mai 1311.
L'ensemble des documents relatifs au procès et conservés aux archives vaticanes a été publié en 2007.
Le concile de Vienne
Le
concile de Vienne, qui se tint le 16 octobre 1311 au sein de la
cathédrale Saint-Maurice de Vienne, avait trois objectifs : statuer sur
le sort de l'ordre, discuter de la réforme de l'Église et organiser une
nouvelle croisade.
Cependant,
lors du concile, quelques Templiers décidèrent de se présenter : ils
étaient au nombre de sept et désiraient défendre l'ordre. Le roi,
voulant en finir avec l'ordre du Temple, partit en direction de Vienne
avec des gens d'arme afin de faire pression sur Clément V. Il arriva sur
place le 20 mars 1312. Le 22 mars 1312, le Pape fulmina la bulle Vox in excelso
qui ordonnait l'abolition définitive de l'ordre. Pour ce qui est du
sort des Templiers et de leurs biens, le pape fulmina deux autres
bulles :
- Ad providam le 2 mai 1312, concernait les biens du Temple qui furent légués en totalité à l'ordre de l'Hôpital (à l'exception de l'Espagne et du Portugal, où deux ordres naquirent des cendres de l'ordre du Temple, l'ordre de Montesa et l'ordre du Christ)
- Considerantes dudum le 6 mai 1312 quant à elle, déterminait le sort des hommes. Ceux ayant avoué ou ayant été déclarés innocents se verraient attribuer une rente et pourraient vivre dans une maison de l'ordre alors que tous ceux ayant nié ou s'étant rétractés, subiraient un châtiment sévère (la peine de mort).
Toutefois, le sort des dignitaires de l'ordre du Temple restait entre les mains du pape.
Le sort des dignitaires
Une
commission pontificale fut nommée le 22 décembre 1313. Elle était
constituée de trois cardinaux et d'avoués du roi de France et devait
statuer sur le sort des quatre dignitaires de l'ordre. Devant cette
commission, ils réitérèrent leurs aveux. Le 11 ou 18 mars 1314, les
quatre Templiers furent amenés sur le parvis de Notre-Dame de Paris afin
que l'on leur lût la sentence. C'est là que Jacques de Molay, maître de
l'ordre du Temple, Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, Hugues
de Pairaud, visiteur de France et Geoffroy de Goneville, précepteur en
Poitou-Aquitaine apprirent qu'ils étaient condamnés à la prison à vie.
Toutefois,
Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay clamèrent leur innocence. Ils
avaient donc menti aux juges de l'Inquisition, furent déclarés relaps et
remis au bras séculier (en l'occurrence, la justice royale). Voici la
description qu'en fit, dans sa chronique latine, Guillaume de Nangis, un chroniqueur de l'époque : « Mais
alors que les cardinaux pensaient avoir mis un terme à cette affaire,
voilà que tout à coup et inopinément deux d'entre eux, le grand maître
et le maître de Normandie, se défendirent opiniâtrement contre le
cardinal qui avait prononcé le sermon et contre l'archevêque de Sens [Philippe de Marigny], revenant sur leur confession et sur tout ce qu'ils avaient avoué. »
Le
lendemain, Philippe le Bel convoqua son conseil et, faisant fi des
cardinaux, condamna les deux Templiers au bûcher. Ils furent conduits
sur l'île aux Juifs afin d'y être brûlés vifs. Geoffroi (ou Godefroi) de
Paris fut un témoin oculaire de cette exécution. Il écrivit dans sa Chronique métrique (1312-1316), les paroles du maître de l'ordre : « […]
Je vois ici mon jugement où mourir me convient librement; Dieu sait qui
a tort, qui a péché. Il va bientôt arriver malheur à ceux qui nous ont
condamné à tort : Dieu vengera notre mort. […] » Proclamant
jusqu’à la fin son innocence et celle de l'ordre, Jacques de Molay s'en
référa donc à la justice divine et c'est devant le tribunal divin qu'il
assignait ceux qui sur Terre l'avaient jugé. Les deux condamnés
demandèrent à tourner leurs visages vers la cathédrale Notre-Dame pour prier. C'est avec la plus grande dignité qu'ils moururent. Guillaume de Nangis ajouta : « On
les vit si résolus à subir le supplice du feu, avec une telle volonté,
qu'ils soulevèrent l'admiration chez tous ceux qui assistèrent à leur
mort… ».
La
décision royale avait été si rapide que l'on s'aperçut après coup que
la petite île où l'on avait dressé le bûcher ne se trouvait pas sous la
juridiction royale, mais sous celle des moines de Saint-Germain-des-Prés. Le roi dut donc confirmer par écrit que l'exécution ne portait nullement atteinte à leurs droits sur l'île.
Giovanni Villani, contemporain des Templiers, mais qui n'assista pas à la scène, ajouta dans sa Nova Cronica que « le roi de France et ses fils éprouvèrent grande honte de ce péché », et que « la
nuit après que ledit Maître et son compagnon eurent été martyrisés,
leurs cendres et leurs os furent recueillis comme des reliques sacrées
par les frères et d'autres religieuses personnes, et emmenés en lieux
consacrés. » Ce témoignage est toutefois sujet à suspicions,
Villani étant un florentin et ayant rédigé son ouvrage entre une et deux
décennies après les faits.
Absous par le pape
L'original du parchemin de Chinon, document essentiel mais perdu dans les archives secrètes du Vatican depuis le XVIIe siècle,
a été retrouvé en 2002 par l'historienne Barbara Frale et publié en
2007 avec l'ensemble des documents relatifs au procès. Il indique que le
pape Clément V a finalement absous secrètement les dirigeants de
l'ordre. Leur condamnation et mise à mort sur le bûcher est donc bel et
bien la responsabilité du roi Philippe IV de France et non celle du pape
ni de l'Eglise contrairement a une fausse idée largement répandue.
Conséquences et légendes
La
dissolution de l'ordre lors du concile de Vienne et ensuite la mort de
Jacques de Molay marquèrent la fin définitive de l'ordre du Temple. Les
biens templiers, en particulier les commanderies, furent reversés par la
bulle papale Ad Providam en majeure partie à l'ordre de l'Hôpital,
sauf dans le royaume de Valence où ils passèrent au nouvel ordre de
Montesa, fondé en 1317, et au Portugal où ils passèrent à l'ordre du
Christ, fondé en 1319 (ordre du Christ dont on verra la croix sur les
voiles des navires de Christophe Colomb lors de sa traversée de l'Atlantique
en 1492). Ces deux ordres sont les seuls "successeurs légitimes du
Temple", mais leur caractéristique nationale commune empêche de les
considérer comme de réelles survivances (l'ordre du Temple ayant cette
caractéristique d'être international).
La nationalisation de l'administration financière du royaume, voulue alors par le roi afin de ne plus dépendre de personnes étrangères
(que ce soit des lombards, des juifs ou des templiers, ces derniers
échappant à la sphère du pouvoir royal) fut une autre conséquence de la
disparition de l'ordre. Cette dernière conséquence rentrait dans le
cadre du renforcement du pouvoir de l'État, via la personne royale,
processus qui fut une pièce maîtresse du règne de Philippe le Bel.
La
fin tragique des Templiers a contribué à générer des légendes à leur
sujet. Celles-ci vont des rumeurs au sujet de leur association avec le
Saint-Graal, jusqu'aux interrogations à propos de leurs liens éventuels
avec les francs-maçons. De plus, certains groupements ou sociétés
secrètes, tels que la Rose-Croix ou encore certaines sectes, telles que
l'ordre du Temple solaire (et ses survivances, comme le Collège
Templier) ou l'Ordo Templi Orientis, se réclameront par la suite de
l'ordre, affirmant leur filiation en s'appuyant sur une
pseudo-survivance de l'ordre ou en usurpant l'habit templier et en
reprenant certains rites.
Le site internet : http://www.templiers.org/templiers.php
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