Saint René d'Angers († 450)
Saint légendaire
Dans
le terroir & Evesché d'Angers, il y a une Paroisse nommée Calonne,
qui a eu l'honneur d'estre éclairée de deux grands Saints, à l'un
desquels elle a donné naissance, & a esté arrousée des larmes et
sueurs de l'autre. Il y avoit dans ce lieu une pieuse Dame mariée au
Seigneur du Chasteau de la Poissonniere, qui passoit sa vie avec
tristesse & ennuy, attendu que Dieu qui donne & oste les enfans,
quand & à qui il luy plaist, n'avoit beny son mariage d'aucune
lignée ; elle se voyait sterile & connoissoit qu'il n'y avoit que le
Ciel de qui elle pûst recevoir consolation en ce rencontre. Pour lors
S. Maurille conduisoit ce Peuple, & ayant fait bastir l'Eglise de
Calonne, il la gouvernoit en qualité de Recteur ; cette Noble femme
connoissant le pouvoir que ce S. Recteur avoit auprés de Dieu, &
sçachant que s'il vouloit estre son intercesseur vers le Ciel elle
verroit ses desirs accomplis, & ses vœux exaucez, elle eut recours
aux prieres du Saint qui ne furent point vaines, car incontinent elle se
trouva grosse d'un enfant, lequel estant venu au monde donna un
contentement à ses parens, d'autant plus grand qu'il estoit desiré de
long-temps ; cét enfant fut le Saint dont nous descrivons la vie, &
qui fut nommé René pour la raison que nous dirons cy-aprés ; cette joye
que les Parens goustoient à longs traits, se passe vistement, & la
douceur de leurs consolations se trouve suivie d'une tristesse bien
sensible ; car l'enfant que Dieu leur avoit donné, & qu'on pouvoit à
bon droit nommer Enfant de prieres & de larmes, se trouva saisi
d'une maladie qui ne menaçoit de rien moins que de le priver de la vie ;
cette pauvre Mere bien affligée ne pût faire autre chose que de le
prendre entre ses bras s'acheminant vers Angers pour le porter à S.
Maurille, qui pour lors estoit Evesque de cette Ville, afin de le prier
qu'il luy conferât le Sacrement de Confirmation (quelques uns disent le
Baptême), c'estoit un jour de Feste solemnelle & comme elle fut
arrivée elle trouva le S. Evesque à l'Autel qui celebroit la Messe,
pendant qu'il parachevoit le S. Sacrifice l'enfant mourut.
II.
Que si cette mort fit une Mere éplorée, elle jetta aussi des regrets si
sensibles dans le cœur de Maurille, que n'en pouvant supporter la
pesanteur, il se resolut de s'enfuir afin de s'imposer une rude
penitence d'une faute qu'il n'avoit pas commise.
III .
On enterra cét Enfant, & quoy que la Sepulture le dérobât aux yeux
de la Mere, elle ne luy arracha pourtant pas le regret du cœur, mais
Dieu qui avoit resolu d'en faire une lumiere en son Eglise, n'avoit
garde de l'esteindre de si bonne heure, s'il le prend ce n'est que pour
le rendre ; & s'il commande à Abraham de luy sacrifier son Fils, ce
n'estoit que pour le rendre Pere de plusieurs Enfans ; Maurille s'en est
enfuy, mais il faudra qu'il revienne pour le ressusciter.
IV .
L'Evesque donc croyant avoir commis un crime, où il n'y en a pas
l'ombre, quitte son Evesché sans en avertir personne, prend le chemin
vers la Mer à dessein de la passer, afin de finir le reste de ses jours
en un Pays inconnu dans la penitence & les larmes, il rencontre un
vaisseau qui le conduit en Angleterre, où il passa sept ans inconnu,
faisant l'office de jardinier chez un Seigneur de marque. Mais le Ciel
qui destinoit cét enfant à quelque chose de grand, le veut retirer du
Sepulcre pour le faire voir aprés sa mort, & condusiant cette
affaire par des voyes qui quoy qu'inconnuës à l'esprit des hommes sont
pourtant bien establies par la sagesse Divine, obligea les Angevins à
chercher leur Evesque afin de le rappeller en son Siége ; on le trouve
avec toute peine & à cause qu'il avoit resolu de ne retourner jamais
en son Evesché qu'on ne luy rendist les clefs de la Sacristie, qu'il
avoit jettées dans la mer en passant, Dieu fist un miracle plûtost que
cela empeschast que le monde fust privé de la lumiere de celuy que nous
appellerons bientost RENÉ. Et il se trouve bien estonné quand les
messagers les luy presenterent, les ayant trouvées dans le ventre d'un
poisson qui avoit sauté dans leur batteau lorsqu'ils passoient la mer
pour l'aller chercher. Maurille surpris de ces merveilles se vid alors
contraint d'obëir à ce peuple, & de retourner avec eux en son
Eglise, laquelle regrettoit tant son absence.
V.
Arrivé qu'il fut à Angers, il alla droit au sepulcre de l'enfant mort,
& baigant la terre de ses larmes, se prosterne en terre adressant au
Ciel ses vœux entrecoupez de sanglots, le sollicite de redonner au
monde cét enfant, qu'il y avoit sept ans entiers que la sepulture tenoit
prisonnier. Chose merveilleuse ; au mesme temps Dieu entendit la voix
de son Serviteur, & on vid le Saint se lever de son Oraison, &
l'enfant du tombeau, pour lors Maurille n'avoit des paroles que pour
benir le Ciel, & des mouvemens que pour produire des actions de
Graces.
VI .
Tous les Angevins qui s'estoient assemblez pour honorer le retour d
eleur Pasteur sont dans l'estonnement, les uns tombent dans l'admiration
voyant le pouvoir de leur Evesque auprés de Dieu, les autres
prejugeoient bien que cét Enfant qui avoit esté si long-temps parmy les
morts, seroit un jour quelque chose de grand sur la terre ; le S.
Evesque luy confere le Sacrement dont il avoit esté privé par la mort,
comme nous avons dit ; & afin de recommander la nouveauté de ce
Miracle, le nomma RENÉ, comme qui diroit deux fois NÉ. Né la premiere
fois lorsque ses parens luy donnerent la vie, l'ayant obtenu par les
prieres de S. Maurille ; né la seconde fois quand par la force de
l'Oraison du même Saint il se leva du Sepulcre. RENÉ, qui avoit cousté
tant de larmes à Maurille, commença dés lors à estre l'objet de ses
soins, & son education luy estoit en singuliere recommandation,
incontinent qu'il fut capable d'instruction, il luy donna un Maître pour
suppléer à son deffaut, si de hazard les affaires de son Eglise
l'appellant ailleurs l'empeschoient de l'enseigner luy-méme. Cét enfant
doüé d'un bel esprit, fit un tel progrés aux Lettres qu'il parut en la
jeunesse entre ses compagnons avec autant d'estime, comme il fit estant
Evesque entre les Prelats de son siecle. Il s'avança non seulement aux
Lettres, mais en la vertu, il estoit sage comme un vieillard, retenu
comme un Religieux, & chaste comme un Ange. Comme il commença à
croistre, il jetta avec plus de soin ses yeux sur S. Maurille, &
considera plus meurement ses actions pour les imiter, tout ce que la
pieté faisoit faire à Maurille, la méme vertu le produisoit en René, de
sorte que saint René estoit un prototipe animé, ou une Image mourante de
saint Maurille.
VII .
Ce bon Evesque voyant tant de zele dans cét homme, le fit Chanoine en
son Eglise, & lui confera les saints Ordres, ce fut pour lors qu'il
crût par cette haute dignité devoir mettre toutes ces vertus en
l'exercice quand il considéroit la grandeur de sa dignité, son humilité
le faisoit s'anéantir & s'il jettoit les yeux sur son Ministere, la
charité le faisoit agir, elle le conduisoit partout où la misere &
la necessité du prochain le desiroient, elle l'amneoit au Chœur, &
la flamme le brûloit saintement, mais vivement à l'Autel.
VIII .
Bon Dieu ! avec quelle ardeur de devotion celebroit-il la Sainte Messe ?
Tant de pieté, tant de science, tant d'humilité, de charité, de
diligence, & de toutes sortes de vertus, furent des motifs puissans
pour l'élever à l'Episcopat, afin que puisqu'il estoit successeur des
vertus de Maurille, il le fût aussi de sa dignité, & puisqu'il avoit
un zele d'Evêque, il eût aussi l'occasion de l'exercer.
IX .Maurille
meurt, on élit René en sa place, on le consacre Evesque, & on luy
donne le gouvernement de l'Eglise d'Angers ; se voyant en cette charge,
il étoit Tout à tous, & Tout à un chacun, car les pauvres pouvoient
dire que sa maison estoit la leur, tant ils y estoient les bien venus,
les malades se trouvoient bien consolez, quand il les recherchoit, les
visitoit, les consoloit, les guerissoit, les lepreux trouvoient leur
consolation à son seul attouchement, les demons quittoient les corps de
spossedez à sa seule parole, & aprés avoir tant fait de miracles, si
quelqu'un l'en remercioit, ou luy en donnoit quelque loüange, il
attribuoit tout à Dieu, & aux merites de saint Maurille sans rien en
retenir ; si quelqu'un publioit ses miracles, il l'en reprenoit comme
d'une chose la plus déplaisante qu'il pûst faire à sa personne ; tout le
profit qui se voyoit en son Evesché à la conversion des Ames, il le
donnoit tout à son Prédecesseur, & disoit que ses soins n'y
contribuaient de rien, mais seulement l'intercession de saint Maurille.
X .Enfin,
il eut desir de voir les lieux saints, pour visiter les stations de
Rome, & baiser les pieds à sa Sainteté, & à cause de l'honneur
qu'il portoit à son Maître & Précepteur S. Maurille, il desira
passer par Milan d'où il estoit natif, il ordonna bien son Evesché, le
pourveut de personnes saintes qui le gouvernassent en son absence, afin
que son troupeau n'en souffrist aucunement : ayant pourveu à tout ce que
la prudence & le zele lui fit juger necessaire, il part d'Angers à
ce dessein, passe les monts & traverse la Lombardie, faisant du bien
à tous ceux qu'il trouvoit par ce chemin ; sa renommée qui voloit par
tout arriva long-temps auparvant luy à Sorrento, les citoyens qui le
receurent avec de grands témoignages de bien-veillance, le prierent de
rester quelques temps avec eux ; sa charité luy fit arrester son chemin
pour leur obeïr, cependant on luy amenoit de tous costez les malades
pour recevoir guerison, il commandoit à la fiévre, & elle luy
obëissoit, il faisoit ouïr les sourds, dénoüoit la langue aux muets,
& faisoit marcher les paralitiques par ses prieres & par
l'imposition de ses mains.
XI .
Pendant qu'il estoit dans cét employ, Dieu voulut l'appeller à la
jouïssance de cette Gloire qu'il s'étoit acquise par ses travaux, il luy
revele le jour de son trépas, & quelque temps aprés se sentant bien
foible, & voyant que ses forces commençoient à défaillir, il fit
venir à luy tous ceux qui l'avoient accompagné de France, & leur
départit & aux pauvres ce qu'il pouvoit avoir, leur declare le jour
de son trépas, lequel étant arrivé il s'y dispose, celebra devotement la
Sainte Messe, & prît congé de tous les presens, & au milieu des
prieres & loüanges à Dieu, rendit son Ame à son Createur à
Sorrento, le 12 novembre environ l'an de nôtre salut 430.
XII .Tout
le monde regretta une telle perte, les Sorrentins reconnoissans la
faveur qu'ils avoient reçûe de Dieu par le Ministere de saint René, luy
érigerent un tombeau magnifique, & par aprés à cause des avantages
qu'ils en reçûrent, ils firent bâtir une belle Eglise qu'ils
consacrerent à Dieu, sou sle nom de la Sainte Vierge & de saint René
; les miracles que Dieu y opere par l'intercession de son serviteur
sont quasi sans nombre.
Comme les Huns ravageoient l'Italie ils placerent le camp devant Sorrento à dessein de la saccager ; un des citoyens se trouva miserablement entre leurs mains ; ces barbares le conduisent sur un pont tres-haut prés l'Eglise de saint René, pour le decoller ; ce pauvre miserable eut recours à ce saint & reclama son secours ; ces sacrileges s'en mocquoient, & afin de l'exterminer plus vite ils le précipiterent du pont ; mais les eaux l'ayant reçû doucement, il se presenta à luy un vieillard venerable, qui le faisant cheminer par dessus comme s'il avoit esté sur la terre ferme, le conduit heureusement & miraculeusement en sa Ville, luy disant, qu'il estoit celuy dont il avoit imploré l'assistance, & que Dieu l'avoit envoyé pour le délivrer du péril où il le voyoit. Les Angevins se voyant privez du riche trésor du corps de leur Evesque, en pleurerent l'absence long-temps ; mais enfin l'ayant obtenu par l'autorité du Pape, ils le receurent en leur Ville avec une joye & magnificence Chrestienne, & l'ont conservé religieusement jusques à l'an 1562 que la chasse ayant esté sacrilegement ouverte par un de leurs compatriotes nommé Marchand, Huguenot, en tira toutes les saintes Reliques, & les jetta au feu, où elles furent presque toutes consumées, excepté quelques ossemens qu'un citoyen nommé René qui estoit trompette de la Ville, conserva & remit entre les mains du Clergé. Mais Dieu ne permit pas que cette action sacrilege demeurast long-temps impunie, il en voulut faire la vengerance dés ce monde ; car le miserable mourut peu de jours aprés enragé.
Comme les Huns ravageoient l'Italie ils placerent le camp devant Sorrento à dessein de la saccager ; un des citoyens se trouva miserablement entre leurs mains ; ces barbares le conduisent sur un pont tres-haut prés l'Eglise de saint René, pour le decoller ; ce pauvre miserable eut recours à ce saint & reclama son secours ; ces sacrileges s'en mocquoient, & afin de l'exterminer plus vite ils le précipiterent du pont ; mais les eaux l'ayant reçû doucement, il se presenta à luy un vieillard venerable, qui le faisant cheminer par dessus comme s'il avoit esté sur la terre ferme, le conduit heureusement & miraculeusement en sa Ville, luy disant, qu'il estoit celuy dont il avoit imploré l'assistance, & que Dieu l'avoit envoyé pour le délivrer du péril où il le voyoit. Les Angevins se voyant privez du riche trésor du corps de leur Evesque, en pleurerent l'absence long-temps ; mais enfin l'ayant obtenu par l'autorité du Pape, ils le receurent en leur Ville avec une joye & magnificence Chrestienne, & l'ont conservé religieusement jusques à l'an 1562 que la chasse ayant esté sacrilegement ouverte par un de leurs compatriotes nommé Marchand, Huguenot, en tira toutes les saintes Reliques, & les jetta au feu, où elles furent presque toutes consumées, excepté quelques ossemens qu'un citoyen nommé René qui estoit trompette de la Ville, conserva & remit entre les mains du Clergé. Mais Dieu ne permit pas que cette action sacrilege demeurast long-temps impunie, il en voulut faire la vengerance dés ce monde ; car le miserable mourut peu de jours aprés enragé.
Cette
Vie a esté recueillie par Missire Julien Nicole, Prestre, de divers
Autheurs, sçavoir du Martyrologe Romain, de la Legende de Monsieur
Gazet, de Monsieur Benoist, & de quelques autres.
J'ay
bien voulu ajouster la Vie de saint René, quoy qu'il ne soit pas un des
saints de la Province, neanmoins à la priere de quelques personnes
pieuses, & attendu que les Legendes nouvellement imprimées n'en font
point, ou peu mention, j'ay trouvé bon d el'inserer en ce lieu.
Vies des saints de la Bretagne Armorique par Alber Le Grand (1636) - Vè édition de 1901 - Quimper
Source : http://www.gwiler.net/saints/srene.htm
Saint René — détail d'un vitrail de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper
Par Thesupermat — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=28429046
Saint René d'Angers est un saint légendaire de l'Église catholique romaine, et un des saints patrons de la ville d'Angers.
Fête le 12 novembre.
Selon le chanoine Archanald, René aurait été ressuscité du tombeau par l’évêque d’Angers, saint Maurille, au milieu du ve siècle. Cette légende est à l'origine de son nom « re-né ».
Il est le patron des sabotiers.
Le texte d'Archanald, écrit vers 905, (il prétendait que le livre avait été écrit par Venance Fortunat et corrigé par Grégoire de Tours) est la source de l'invention du saint légendaire René d'Angers et de l'iconographie utilisée pour représenter saint Maurille. La supercherie a été découverte seulement en 1649.
En savoir plus :
http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2009/11/12/index.html
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