Tibère
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Tibère (latin : Tiberius Caesar Divi Augusti Filius Augustus), né à Rome le 16 novembre 42 av. J.-C. et mort à Misène le 16 mars 37 ap. J.-C., est le deuxième empereur romain de 14 à 37.
Il appartient à la dynastie Julio-Claudienne.
C'est un descendant de la gens Claudia et il porte à la naissance le nom de Tiberius Claudius Nero.
Durant
sa jeunesse, Tibère se distingue par son talent militaire en conduisant
avec succès de nombreuses campagnes militaires le long de la frontière
septentrionale de l'Empire et en Illyrie, souvent aux côtés de son
frère Drusus I, qui meurt en Germanie.
Après
une période d'exil volontaire dans l'île de Rhodes, il retourne à Rome
en 4 ap. J.-C. où il est adopté par Auguste et devient le dernier des
successeurs potentiels de l'empereur, se nommant dorénavant Tiberius Iulius Caesar.
Il mène alors d'autres expéditions en Illyrie et en Germanie afin de remédier aux conséquences de la bataille de Teutobourg.
À la mort de son père adoptif, le 19 août 14, il obtient le nom de Tiberius Iulius Caesar Augustus et il peut lui succéder officiellement dans la fonction de princeps senatus car il est depuis 12 associé au gouvernement de l'Empire romain, détenant aussi l'imperium proconsulaire et la puissance tribunicienne, les deux pouvoirs majeurs des empereurs du Principat.
Il
met en place d'importantes réformes dans les domaines économiques et
politiques, met un terme à la politique d'expansion militaire, se
limitant à sécuriser les frontières grâce à l'action de son
neveu Germanicus.
Après la mort de ce dernier et de celle de son fils Drusus II, Tibère favorise la montée du préfet du prétoire Séjan.
Il s'éloigne de Rome et se retire sur l'île de Capri. Lorsque le préfet
essaie de prendre possession du pouvoir, Tibère le fait destituer et
assassiner.
L'empereur ne retourne plus dans la capitale où il est haï jusqu'à sa mort en 37.
Caligula, fils de Germanicus et d'Agrippine l'Aînée, lui succède.
Tibère
a été durement critiqué par les historiens antiques tels
que Tacite et Suétone, mais sa personnalité a été réévaluée par les
historiens modernes comme étant celle d'un politicien habile et prudent.
Avant l'accession à l’Empire
Origines de la famille et jeunesse (42 - 26 av. J.-C.)
Sa naissance et son enfance mouvementée
Tibère
naît à Rome le 16 novembre 42 av. J.-C. de l'homonyme Tiberius Claudius
Nero, césarien et préteur la même année, et de Livie, de près de trente
ans plus jeune que son mari.
Aussi bien par la branche paternelle que maternelle, il appartient à la gens Claudia,
une vieille famille patricienne arrivée à Rome lors des premières
années de lapériode républicaine et qui se distingue au cours des
siècles par l'obtention de nombreux honneurs et de hautes magistratures.
Depuis l'origine, la gens Claudia se divise en de nombreuses branches familiales, parmi lesquelles celle qui prend le cognomen Nero (qui, en langue sabine, signifie « fort et valeureux ») à laquelle appartient Tibère.
Il peut donc se dire membre d'une lignée qui a donné naissance à des
personnages d'un rang très élevé, comme Appius Claudius
Sabinus ou Appius Claudius Caecus, qui comptent parmi les défenseurs de
la suprématie des patriciens lors de la Guerre des ordres.
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Son père est parmi les plus fervents partisans de Jules César, et après sa mort, il se range aux côtés de Marc Antoine, lieutenant de César en Gaule et pendant la guerre civile, et entre en conflit avec Octave, héritier désigné de Jules César.
Après
la constitution du second triumvirat entre Octave, Antoine et Lépide, et
suite aux proscriptions, les désaccords entre les partisans d'Octave et
ceux de Marc Antoine aboutissent à un conflit ouvert et le père de
Tibère continue à soutenir l'ancien lieutenant de César.
Avec la guerre de Pérouse suscitée par le consul Lucius Antonius
Pietas et Fulvie, épouse de Marc Antoine, le père de Tibère rejoint les
partisans de Marc Antoine, fomentant des troubles qui se dessinent dans
de nombreuses régions de l'Italie.
Après
la victoire d'Octave qui réussit à vaincre Fulvie à Pérouse et à
rétablir son contrôle sur l'ensemble de la péninsule italienne, le père
de Tibère est obligé de fuir avec sa femme et son fils.
La
famille se réfugie à Naples puis en Sicile, qui est contrôlée
par Sextus Pompée. De là, la famille rejoint l'Achaïe où se rassemblent
les troupes de Marc Antoine qui ont quitté l'Italie.
Le
petit Tibère, obligé de prendre part à l'évasion et à subir les
incertitudes du voyage, vit une enfance douloureuse et
mouvementée jusqu'à l'accord de Brindisi qui rétablit une paix précaire
et permet aux partisans de Marc Antoine en fuite de revenir à Rome, son
père Tiberius Claudius Nero semblant au départ y avoir arrêté toute
action politique.
Mariage de sa mère Livie avec Octave
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En 39 av. J.-C., Octave décide de divorcer de sa femme Scribonia de qui il a une fille, Julia, pour épouser la mère du petit Tibère, Livie, dont il est sincèrement amoureux.
Le
mariage présente aussi un intérêt politique : Octave espère se
rapprocher du camp de Marc Antoine alors que le père de Tibère a
l'intention, en accordant sa femme à Octave, d'éloigner le rival Sextus
Pompée, qui est l'oncle de Scribonia.
Le
triumvirat demande pour le mariage l'autorisation du collège des
pontifes étant donné que Livie a déjà un enfant et qu'elle en attend un
second.
Les prêtres accordent le mariage, en demandant, comme unique clause, que soit confirmée la paternité de l'enfant à naître.
Le 17
janvier 38 av. J.-C., Octave se marie avec Livie, qui après trois mois
donne naissance à un fils qui reçoit le nom de Nero Claudius Drusus.
La
question de la paternité, en effet, est restée incertaine : certains
affirment que Drusus est né d'une relation adultère entre Livie et
Octave, tandis que d'autres ont salué le fait que le bébé soit conçu en
seulement quatre vingt dix jours soit le temps écoulé entre le mariage
et la naissance.
Il est ensuite admis que la paternité de Drusus incombe au père de
Tibère car Livie et Octave ne se sont pas encore rencontrés lorsque
l'enfant est conçu.
Alors que Drusus est élevé par sa mère dans la maison d'Octave, Tibère reste auprès de son père jusqu'à l'âge de neuf ans.
En 33 av. J.-C., celui-ci meurt et c'est le jeune enfant qui prononce l'éloge funèbre (laudatio funebris) sur les rostres du Forum Romanum.
Tibère
se retrouve dans la maison d'Octave avec sa mère et son frère alors
même que les tensions entre Octave et Marc Antoine provoquent un nouveau
conflit qui prend fin en 31 av. J.-C. avec la bataille navale décisive
d'Actium.
En 29
av. J.-C., lors de la cérémonie du triomphe d'Octave pour la victoire
finale sur Marc Antoine et Cléopâtre VII à Actium, Tibère précède le
char du vainqueur, conduisant le cheval intérieur gauche, tandis
que Marcus Claudius Marcellus, le neveu d'Octave, monte celui à
l'extérieur droit, et se trouvant ainsi à la place d'honneur (Auguste,
qui pense d'ores et déjà à la succession, favorise son neveu Marcellus).
Tibère dirige les jeux urbains et participe, à la tête de l'équipe des « enfants les plus grands », aux Ludus Troiae qui ont lieu dans le cirque.
À
l'âge de quinze ans, il revêt la toge virile, et il est donc initié à
la vie civile : il se distingue comme défenseur et accusateur dans de
nombreux procès, et il se consacre, en même temps, à l'apprentissage de
l'art militaire, montrant des aptitudes particulières pour l'équitation.
Il
entreprend avec beaucoup d'intérêt des études d'art oratoire latin,
de rhétorique grecque et de droit ; il fréquente des cercles culturels
liés à Auguste où on parle aussi bien grec que latin.
Il fait la connaissance de Mécène qui finance des artistes comme Horace, Virgile et Properce.
La
même passion l'anime pour la composition de textes poétiques, à
l'imitation du poète grec Euphorion de Chalcis sur des sujets
mythologiques, dans un style tortueux et archaïque, avec une grande
utilisation de mots rares et désuets.
Carrière militaire (25 - 7 av. J.-C.)
Si
Tibère doit beaucoup de son ascension politique à sa mère Livie,
troisième épouse d'Auguste, ses capacités de commandement et de
stratégie ne peuvent cependant pas être mises en doute : il est resté
invaincu au cours de toutes ses longues et fréquentes campagnes, au
point de devenir, au fil des années, l'un des meilleurs lieutenants de
son beau-père.
Dans la péninsule ibérique et à Rome (25 - 21 av. J.-C.)
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Il est possible que Tibère soit représenté sur le relief de l'armure.
En
raison de l'absence de réelles écoles qui permettent d'acquérir une
expérience militaire, Auguste décide d'envoyer Tibère, âgé de seize ans,
en Hispanie en 25 av. J.-C., et Marcellus en qualité de tribuns
militaires.
Les
deux jeunes gens, qu'Auguste envisage comme possibles successeurs,
participent aux phases initiales de la guerre cantabre qui a commencé
l'année précédente avec Auguste et qui se termine en 19 av. J.-C. sous
le général Marcus Vipsanius Agrippa.
Deux
ans plus tard, en 23 av. J.-C., à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans,
Tibère est nommé questeur de l'annone, en avance de cinq ans sur le
traditionnel cursus honorum.
Il
s'agit d'une tâche particulièrement délicate puisqu'il est nécessaire
d'assurer l'approvisionnement en blé de la ville de Rome, qui compte
alors plus d'un million d'habitants, dont deux cent mille d'entre eux ne
peuvent survivre que grâce à la distribution gratuite de blé par
l'État.
La
ville passe par une période de famine en raison d'une crue du Tibre qui
détruit de nombreuses cultures dans les campagnes du Latium, empêchant
même les navires de rejoindre Rome avec l'approvisionnement nécessaire.
Tibère
fait face à la situation avec vigueur : il achète, à ses propres frais,
le blé dont les spéculateurs disposent dans leurs magasins et le
distribue gratuitement.
Il est salué comme un bienfaiteur de Rome.
Il
est ensuite chargé de contrôler les ergastules, ces lieux souterrains
pour les voyageurs et ceux qui cherchent refuge pour échapper au service
militaire et qui servent aussi de cachots pour les esclaves.
Il
s'agit, cette fois-ci, d'une tâche peu prestigieuse mais tout aussi
délicate, parce que les patrons des lieux se sont rendus odieux auprès
de toute la population créant ainsi une situation de tension.
En Orient (20 - 16 av. J.-C.)
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Au cours de l'hiver 21-20 av. J.-C., Auguste ordonne à Tibère, âgé de vingt ans, de commander une armée de légionnaires, recrutée en Macédoine et en Illyrie, et de se rendre en Orient, en Arménie.
En
effet, cette région est d'une importance vitale pour l'équilibre
politique de l'ensemble de la zone orientale, jouant un rôle d'état
tampon entre l'Empire romain à l'ouest et celui des Parthes à l'est, et
les deux veulent en faire un état vassal afin d'assurer la protection
des frontières contre leur ennemi respectif.
Après
la défaite de Marc Antoine et l'effondrement du système qu'il a imposé
en Orient, l'Arménie est retournée sous l'influence des Parthes, ce qui a
favorisé l'accession au trône d'Artaxias II.
Auguste
ordonne donc à Tibère de chasser Artaxias dont les Arméniens
pro-romains demandent la destitution et d'imposer sur le trône son plus
jeune frère, pro-romain, Tigrane.
Les
Parthes, effrayés par l'avancée deslégions romaines acceptent un
compromis et un accord de paix est signé par Auguste arrivé en Orient
depuis Samos.
Ils
restituent les insignes et les prisonniers qu'ils ont en leur
possession après la défaite de Crassus lors de la bataille de
Carrhes en 53 av. J.-C.
De
la même manière, la situation en Arménie est résolue avant l'arrivée de
Tibère et de son armée par le traité de paix entre Auguste et le
souverain parthe Phraatès IV : le parti pro-romain peut ainsi prendre le
dessus et des agents envoyés par Auguste éliminent Artaxias.
À son arrivée, Tibère ne peut donc que couronner Tigrane qui prend le
nom de Tigrane III au cours d'une cérémonie paisible et solennelle sous
la surveillance des légions romaines.
À
son retour à Rome, le jeune général est célébré par de nombreuses fêtes
et la construction de monuments en son honneur tandis
que Ovide, Horace et Properce écrivent des vers pour célébrer
l'entreprise.
Le plus grand mérite de la victoire revient cependant à Auguste en tant que commandant en chef de l'armée : il est proclamé imperator pour la neuvième fois et il peut annoncer au Sénat que l'Arménie devient un vassal sans en décréter l'annexion.
Il écrit dans sesRes Gestae Divi Augusti (son testament politique) :
« Alors
que je pouvais faire de la Grande Arménie une province, une fois le roi
Artaxias mort, j'ai préféré, à l'exemple de nos ancêtres, confier ce
royaume à Tigrane, fils du roi Artavasde et petit-fils du roi Tigrane,
par l'intermédiaire de Tibère qui était alors mon beau-fils. »
— Auguste, Res Gestae Divi Augusti, 27.
En 19 av. J.-C., Tibère est promu au rang de ex-préteur ou ornamenta praetoria et il peut donc siéger au Sénat parmi les ex-praetores.
En Gaule, Rhétie et Vindélicie (16 - 14 av. J.-C.)
Bien
qu'Auguste, après la campagne en Orient, ait officiellement déclaré au
Sénat qu'il abandonne la politique d'expansion sachant qu'une extension
territoriale serait excessive pour l'Empire romain, il décide de
réaliser de nouvelles campagnes pour sécuriser les frontières.
En 16
av. J.-C., Tibère, récemment nommé préteur, accompagne Auguste
en Gaule où ils passent les trois années suivantes, jusqu'en 13 av.
J.-C., afin de l'aider dans l'organisation et la direction des provinces
gauloises.
Le Princeps senatus se
fait aussi accompagner par son beau-fils lors de la campagne punitive
au-delà du Rhin contre les tribus des Sicambres et de leurs alliés
les Tenctères et les Usipètes, qui, au cours de l'hiver de 17-16 av.
J.-C., ont causé la défaite du proconsul Marcus Lollius et la
destruction partielle de la Legio V Alaudae et la perte des insignes.
![](https://ekladata.com/vMFF94H0MxyG_VOqbiXsf-iU7h0@220x345.jpg)
En 15 av. J.-C., Tibère, avec son frère Drusus, mène une campagne contre la population rhète, répartie entre la Norique et la Gaule, contre les Vendéliques.
Drusus
a déjà précédemment chassé des territoires italiques les Rhètes mais
Auguste décide d'envoyer Tibère afin de résoudre définitivement le
problème.
Les
deux hommes attaquent sur deux fronts par une opération d'encerclement
de l'ennemi sans leur laisser d'échappatoire. Ils conçoivent
« l'opération en tenaille » qu'ils mettent en œuvre grâce aussi à l'aide
de leurs lieutenants : Tibère se déplace depuis l'Helvétie tandis que
son jeune frère vient d'Aquilée et de Tridentum, parcourant la vallée de
l'Adige et de l'Isarco (à leur jonction est construit le Pons Drusi (« Pont
de Drusus ») à proximité de l'actuelle Bolzano) pour remonter enfin par
l'Inn. Tibère, qui avance depuis l'ouest, bat les Vendéliques autour
de Bâle et du lac de Constance.
C'est en ce lieu que les deux armées se rejoignent et se préparent à envahir la Bavière.
L'action
conjointe conduite par les deux frères permet d'avancer jusqu'à la
source du Danube où ils remportent la victoire définitive sur
les Vendéliques.
Ces
succès permettent à Auguste d'assujettir les peuples de l'arc alpin
jusqu'au Danube, et lui vaut, de nouveau, d'être acclamé imperator tandis
que Drusus, le préféré d'Auguste, reçoit plus tard un triomphe pour
cette victoire et d'autres. Sur la montagne près de Monaco, à proximité
de La Turbie, le trophée d’Auguste est érigé pour commémorer la
pacification d’une extrémité à l’autre des Alpes et se rappeler les noms
de toutes les tribus soumises.
De l'Illyrie à la Macédoine et à la Thrace (13 - 9 av. J.-C.)
En 13
av. J.-C., en gagnant la réputation d'un très bon commandant, Tibère
est nommé consul et il est envoyé par Auguste enIllyrie : le
valeureux Agrippa, qui a longuement combattu les populations rebelles de
la Pannonie, meurt à peine rentré en Italie.
La nouvelle de la mort du général provoque une nouvelle onde de
rébellion chez les populations soumises par Agrippa, en particulier les
Dalmates et les Breuces.
Auguste confie à son beau-fils la tâche de les pacifier.
Tibère,
prenant le commandement de l'armée en 12 av. J.-C., met en déroute les
forces ennemies grâce à sa stratégie et à la ruse dont il fait preuve.
Il soumet les Breuces avec l'aide de la tribu des Scordisques soumise peu de temps plus tôt par le proconsul Marcus Vinicius.
Il prive ses ennemis de leurs armes et il vend comme esclave la majorité des jeunes après les avoir déportés.
Il
obtient une victoire totale en moins de quatre ans notamment avec
l'aide de grands généraux comme Marcus Vinicius, gouverneur de
la Macédoine et Lucius Calpurnius Piso.
Il met en place une politique de répression très dure contre les vaincus.
En
même temps, sur le front oriental, le gouverneur de
la Galatie et Pamphylie,Lucius Calpurnius Piso, est contraint
d'intervenir en Thrace car la population, et en particulier les Besses,
menacent le souverain thrace, Rhémétalcès Ier, allié de Rome.
En 11
av. J.-C., Tibère est engagé contre les Dalmates qui se sont rebellés à
nouveau, et assez vite contre la Pannonie qui a profité de son absence
pour conspirer à nouveau.
Le
jeune général est donc fortement impliqué dans la lutte simultanée
contre plusieurs peuples ennemis, et il est obligé, à plusieurs
reprises, de se déplacer d'un front à l'autre.
En 10 av. J.-C., les Daces poussent au-delà du Danube et font des raids dans les territoires de Pannonie et de Dalmatie.
Ces
derniers, harcelés par les peuples soumis à Rome, se rebellent à
nouveau. Tibère, qui s'est rendu en Gaule avec Auguste au début de
l'année, est donc contraint de retourner sur le front illyrien, pour les
affronter et les vaincre à nouveau.
À la fin de l'année, il peut finalement revenir à Rome avec son frère Drusus et Auguste.
La
longue campagne se conclut, la Dalmatie est désormais intégrée de façon
permanente dans l'État romain et elle subit le processus de
romanisation.
Elle
est confiée, comme province impériale, au contrôle direct d'Auguste :
une armée y est stationnée en permanence, prête à repousser toutes
attaques le long des frontières et à réprimer d'éventuelles nouvelles
révoltes.
Auguste évite dans un premier temps d'officialiser la salutatio imperatoria dont les légionnaires ont acclamé Tibère (nommé imperator par
ses troupes) et il se refuse à rendre les honneurs à son beau-fils
ainsi qu'à autoriser la cérémonie du triomphe contre l'avis du Sénat.
Tibère est autorisé à parcourir la Via Sacra sur
un char décoré de l'insigne du triomphe et à célébrer
une ovation exceptionnelle (pénétrer à Rome en char, honneur qui n'avait
encore été accordé à personne) : il s'agit d'un nouvel usage qui, bien
que de moindre importance que la célébration de la victoire par un
triomphe, constitue néanmoins un grand honneur.
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En 9 av. J.-C., Tibère se consacre entièrement à la réorganisation de la nouvelle province de l'Illyrie.
Alors
qu'il quitte Rome où il a célébré sa campagne victorieuse pour se
rendre sur les frontières orientales, Tibère est informé que son
frère Drusus, qui se trouve sur les rives de l'Elbe pour lutter contre
les Germains, est tombé de son cheval, se fracturant le fémur.
L'incident semble banal et est donc négligé. Les conditions de Drusus se dégradent fortement en septembre et Tibère le rejoint àMogontiacum afin de le réconforter, après avoir parcouru en un seul jour, plus de deux cents miles.
Drusus,
à la nouvelle de l'arrivée de son frère, ordonne que les légions le
reçoivent dignement, et il meurt un peu plus tard dans ses bras.
À pied, Tibère conduit le cortège funèbre qui ramène la dépouille de Drusus à Rome.
Arrivé à Rome, il prononce l'éloge funèbre (laudatio funebris) pour son frère défunt sur le Forum Romanum alors
qu'Auguste prononce le sien dans le cirque Flaminius ; le corps de
Drusus est ensuite incinéré sur le champ de Mars et placé dans
le mausolée d'Auguste.
En Germanie (8 - 7 av. J.-C.)
Au
cours des années 8-7 av. J.-C., Tibère se rend de nouveau en Germanie,
envoyé par Auguste, pour continuer le travail commencé par son
frère Drusus, après sa mort prématurée, et combattre les populations
locales. Il traverse donc le Rhin, et les tribus barbares, à l'exception
des Sicambres, font, par peur, des propositions de paix qui reçoivent
un net refus de la part du général, car il est inutile de conclure une
paix sans l'adhésion des dangereux Sicambres ; quand ceux-ci envoient
des hommes, Tibère les fait massacrer ou déporter.
Pour les résultats obtenus en Germanie, Tibère et Auguste obtiennent encore l'acclamation d’imperator et Tibère est nommé consul en 7 av. J.-C.
Il peut donc terminer les travaux de consolidation du pouvoir romain
dans la région par la construction de plusieurs ouvrages, y compris
les camps romains de Oberaden (it) et Haltern, élargissant l'influence romaine jusqu'au fleuve Weser.
Éloignement de la vie politique (6 av. J.-C. - 4 ap. J.-C.)
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Poursuivant des intérêts politiques familiaux, Tibère est poussé par Auguste en 12 av. J.-C. à divorcer de sa première femme, Vipsania Agrippina, fille de Marcus Vipsanius Agrippa, qu'il a épousée en 16 av. J.-C. et de qui il a eu un fils, Julius Caesar Drusus.
L'année suivante, il épouse Julia, la fille d'Auguste, et donc sa demi-sœur, veuve du même Agrippa.
Tibère est sincèrement amoureux de sa première femme Vipsania et il ne s'en éloigne qu'avec beaucoup de regrets.
L'union
avec Julia connaît d'abord de l'amour et de l'harmonie, puis elle se
dégrade rapidement après la mort de leur fils, né à Aquilée.
L'attitude de Julia, entourée de nombreux amants, contraste avec le caractère de Tibère, particulièrement réservé.
En 6
av. J.-C., Auguste décide de conférer à Tibère la puissance
tribunicienne pour 5 ans : sa personne devient ainsi sacrée et
inviolable et cela lui donne le droit de veto.
De
cette façon, Auguste semble vouloir amener à lui son beau-fils, et il
peut de plus mettre un frein à l'exubérance de ses jeunes
petits-fils, Caius et Lucius César, les fils d'Agrippa, qu'il a adoptés
et qui semblent être les favoris pour la succession.
Malgré
cet honneur, Tibère décide de se retirer de la vie politique et de
quitter la ville de Rome pour s'en aller dans un exil volontaire sur
l'île de Rhodes qui le fascine depuis la période où il y avait séjourné,
de retour d'Arménie.
Certains
affirment, comme Grant, qu'il est indigné et consterné par la
situation, d'autres estiment qu'il sent le manque de considération
d'Auguste à son égard pour l'avoir utilisé comme tuteur de ses deux
petits-fils, Caius et Lucius César, les héritiers désignés, en plus d'un
malaise grandissant et du dégoût envers sa nouvelle femme.
Il
s'agit d'un choix étrange et soudain que Tibère prend au moment même où
il reçoit de nombreux succès alors qu'il est au milieu de sa jeunesse
et en pleine santé.
Auguste et Livie tentent en vain de le retenir et le princeps évoque cette question au Sénat.
Tibère,
en réponse, décide de cesser de manger et jeûne pendant quatre jours,
jusqu'à ce qu'on l'autorise à quitter la ville pour aller là où il veut.
Les historiens anciens ne donnent pas une interprétation unique de cet événement, en effet, assez étrange.
Suétone résume toutes les raisons qui ont conduit Tibère à quitter Rome :
« [...]
soit par dégoût de sa femme qu'il n'osait ni accuser ni répudier, et
que pourtant il ne pouvait plus souffrir, soit pour éviter une assiduité
fastidieuse, et non seulement affermir son autorité par l'absence, mais
l'accroître même, dans le cas où la république aurait besoin de lui.
Quelques-uns pensent que, les enfants d'Auguste étant adultes, Tibère
leur abandonna de son plein gré le second rang qu'il avait longtemps
occupé, à l'exemple d'Agrippa, qui, lorsque Marcellus eut été appelé aux
charges publiques, s'était retiré à Mytilène, pour que sa présence ne
lui donnât point l'air d'un concurrent ou d'un censeur. Tibère lui-même
avoua, mais plus tard, ce dernier motif. [...] »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 10 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Dion
Cassius ajoute à ses thèses, qu'il énumère toutes aussi, que « Caius et
Lucius se crurent méprisés ; Tibère craignit leur colère » ou encore
qu'Auguste l'exile pour complots contre les jeunes princes qui sont ses
héritiers, voire « que Tibère était mécontent de ne pas avoir été nommé
César ».
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Pendant toute la durée de son séjour à Rhodes (près de huit ans), Tibère tient une position sobre, évitant de se trouver au centre de l'attention et de prendre part aux événements politiques de l'île sauf dans un seul cas.
En fait il n'a jamais utilisé son pouvoir issu de la puissance tribunicienne dont il est investi.
Cependant, quand en 1 av. J.-C. il cesse d'en bénéficier, il décide de
demander la permission de revoir ses parents : il estime que, quand bien
même il participerait à la politique, il n'aurait plus pu, en aucune
manière, mettre en danger la primauté de Caius et Lucius César.
Il
reçoit un refus et décide alors de faire appel à sa mère qui ne peut
rien obtenir d'autre que Tibère soit nommé légat d'Auguste à Rhodes, et
donc que sa disgrâce soit en partie cachée.
Il
se résigne donc à continuer à vivre comme un simple citoyen, inquiet et
méfiant, évitant tous ceux qui viennent lui rendre visite sur l'île.
En 2
av. J.-C., sa femme Julia est condamnée à l'exil sur l'île de
Ventotene (anciennement Pandataria), et son mariage avec elle est annulé
par Auguste : Tibère, heureux de cette nouvelle, cherche à se montrer
magnanime envers Julia, dans une tentative de retrouver l'estime
d'Auguste.
![](https://ekladata.com/KrvVh4NGNQm2vFf6uQSDuTtaW7I@220x293.jpg)
En 1 av. J.-C., il décide de rendre visite à Caius César, qui vient d'arriver à Samos, après qu'Auguste lui a attribué l’imperium proconsulaire et l'a chargé d'effectuer une mission en Orient où est mort Tigrane III.
La
question arménienne est rouverte. Tibère l'honore en mettant de côté
toutes les rivalités et en s'humiliant, mais Caius, poussé par son
ami Marcus Lollius, ferme adversaire de Tibère, le traite avec
détachement.
Ce
n'est qu'en 1 ap. J.-C., soit sept ans après son départ, que Tibère est
autorisé à rentrer à Rome, grâce à l'intercession de sa mère Livie,
mettant fin à ce qui a été un exil volontaire : en fait, Caius César,
qui n'est plus sous la coupe de Lollius, accusé d'extorsion et traîtrise
et qui s'est suicidé pour éviter une condamnation, consent à son retour
et Auguste, qui a confié la question à son petit-fils, le rappelle en
lui faisant jurer qu'il ne se serait intéressé en aucune manière au
gouvernement de l'État.
À Rome, pendant ce temps, les jeunes nobiles qui
soutiennent les deux Césars, ont développé un fort sentiment de haine à
l'égard de Tibère, et ils continuent à le voir comme un obstacle à
l'ascension de Caius César.
Le
même Marcus Lollius, avant le désaccord avec Caius César, s'offre
d'aller à Rhodes pour tuer Tibère et bien d'autres nourrissent le même
projet.
À son retour à Rome, donc, Tibère doit agir avec beaucoup de prudence,
sans jamais renoncer à la résolution de retrouver le prestige et
l'influence qu'il a perdus au cours de son exil à Rhodes.
Juste
au moment où leur popularité atteint le niveau le plus élevé, Lucius et
Caius César meurent respectivement en 2 et 4, non sans que Livie soit
soupçonnée : le premier tombe mystérieusement malade, tandis que le
second est tué par trahison en Arménie alors qu'il négocie avec ses
ennemis une proposition de paix.
Tibère
qui, à son retour, a quitté son ancienne maison pour s'installer dans
les jardins de Mécène (connus aujourd'hui sous le nom de Auditorium Mecenate,
peut-être décorés avec des peintures de jardin par Tibère) et a évité
de participer à la vie publique, est adopté par Auguste, qui n'a pas
d'autres héritiers.
Le princeps,
toutefois, l'oblige à adopter à son tour son neveu Germanicus, fils de
son frère Drusus, bien que Tibère ait déjà un fils conçu avec sa
première femme, Vipsania, nommé Julius Caesar Drusus et plus jeune d'un
an seulement.
L'adoption de Tibère, qui prend le nom de Tiberius Julius Caesar,
est célébrée le 26 juin 4 avec une grande fête, et Auguste ordonne la
distribution à ses troupes de plus d'un million de sesterces.
Le
retour de Tibère au pouvoir suprême donne, non seulement
au principat une stabilité, une continuité et une harmonie interne mais
aussi une nouvelle impulsion à la politique d'Auguste en matière de
conquête et de gloire à l'extérieur des frontières impériales.
Nouveaux succès militaires (4 - 11)
En Germanie (4 - 6)
![](https://ekladata.com/nhvpihIwCto-8-nKSu_B2WSs6uc@330x263.jpg)
Immédiatement après son adoption, Tibère est de nouveau investi de l’imperium proconsulaire et de la puissance tribunicienne quinquennale ou décennale et il est envoyé par Auguste en Germanie parce que les précédents généraux (Lucius Domitius Ahenobarbus, légat de 3 à 1 av. J.-C. et Marcus Vinicius de 1 à 3 ap. J.-C.) n'ont pas été en mesure d'étendre la zone d'influence conquise antérieurement par Drusus entre 12 à 9 av. J.-C.. Tibère veut aussi retrouver la faveur des troupes après une décennie d'absence.
Après
un voyage triomphal au cours duquel il est à plusieurs reprises célébré
par les légions qu'il a déjà commandées précédemment, Tibère arrive en
Germanie, où, au cours de deux campagnes menées entre 4 et 5, il occupe
de manière permanente, par de nouvelles actions militaires, toutes les
terres de la zone septentrionale et centrale comprises entre le Rhin et
l'Elbe.
En 4,
il soumet les Cananefates, les Chattuares et les Bructères, et place
sous domination romaine les Chérusques qui s'en étaient soustraits.
Avec
le légat Caius Sentius Saturninus, il décide d'avancer encore plus dans
les territoires germaniques et passe au-delà de la Weser, et en 5, il
organise une opération de grande envergure qui implique l'utilisation de
forces terrestres et de la flotte de la mer du Nord.
Assisté
des Cimbres, des Chauques et des Sénons, qui ont été forcés de déposer
les armes et de se rendre à la puissance de Rome, Tibère peut étreindre
dans un étau meurtrier les redoutables Lombards.
Le
dernier acte nécessaire est celui d'occuper la partie méridionale de la
Germanie et la Bohême des Marcomans de Marobod afin de compléter le
projet d'annexion et de faire du Rhin à l'Elbe, la nouvelle frontière.
Tibère conçoit un plan d'attaque impliquant l'utilisation de plusieurs
légions lorsqu'une révolte éclate en Dalmatie et en Pannonie ce qui
arrête l'avancée de Tibère et de son légat Caius Sentius
Saturninus en Moravie.
La
campagne, conçue comme une « manœuvre à tenaille » est une opération
stratégique majeure dans laquelle les armées de Germanie (2-3 légions),
de Rhétie (2 légions) et d'Illyrie (4-5 légions) doivent se réunir en un
point convenu et lancer l'attaque concertée.
Le déclenchement de la révolte en Pannonie et en Dalmatie, empêche les
légions de l'Illyrie de rejoindre celles de Germanie et il y a le risque
que Marobod s'allie aux rebelles pour marcher sur Rome : Tibère, qui
est à quelques jours de marche de l'ennemi, conclut hâtivement un traité
de paix avec le chef marcoman et se dirige au plus vite en Illyrie.
En Illyrie (6 - 9)
![](https://ekladata.com/KLDFaRrkTt64Hz6kph6g7N6cRRo@330x228.jpg)
La campagne de Tibère en Illyrie en 6
Après quinze années de paix relative, en 6, l'ensemble du secteur dalmate et pannone reprend les armes contre le pouvoir de Rome : la raison est l'incompétence des magistrats envoyés par Rome pour gérer la province qui ont mis en place de lourdes taxes.
L'insurrection commence dans la région sud-orientale de l'Illyrie avec lesDaesitiates commandés par un certain Baton, dit de « Dalmatie », qui est rejoint par la tribu pannone des Breucessous le commandement d'un certain Pinnes et d'un second Baton, dit de « Pannonie ».
En
raison de la crainte d'autres révoltes dans tout l'Empire, le
recrutement de soldats devient problématique, de nouvelles taxes sont
mises en place pour répondre à l'urgence.
Les
forces mises en œuvre par les Romains sont aussi importantes que lors
de la deuxième guerre punique : dix légions et plus de
quatre-vingts unités auxiliaires, ce qui équivaut à environ cent à cent
vingt mille hommes.
Tibère
envoie ses lieutenants en avant-garde afin de débarrasser la route des
ennemis au cas où ils auraient décidé de marcher contre
l'Italie : Marcus Valerius Messalla Messallinus réussit à vaincre une
armée de 20 000 hommes et se barricade à Sisak pendant que Aulus Caecina
Severus défend la ville de Sirmium afin d'éviter sa prise et il
repousse Baton de Pannonie sur la Drave.
Tibère
arrive sur le théâtre des opérations vers la fin de l'année lorsqu'une
grande partie du territoire, à l'exception des places-fortes, est aux
mains des rebelles, et la Thrace entre aussi en guerre aux côtés des
Romains.
Comme
à Rome on est inquiet par le fait que Tibère tarde à régler le conflit,
en 7, Auguste lui envoie Germanicus en qualité de questeur ; le
général, pendant ce temps, pense à réunir les armées romaines engagées
dans la région le long de la rivière Save, afin de disposer de plus de
dix légions.
De Sirmium, Aulus
Caecina Severus et Marcus Plautius Silvanus conduisent l'armée
vers Sisak, éliminant les forces combinées des rebelles dans une
bataille près des marais Volcées.
Après
avoir rejoint les forces armées, Tibère inflige des défaites
successives à ses ennemis, rétablissant l'hégémonie romaine sur la
vallée de la Save et consolidant les conquêtes obtenues grâce à la
construction de plusieurs forts.
En
prévision de l'hiver, il sépare les légions, il en conserve cinq avec
lui à Sisak et envoie les autres protéger les frontières.
En 8, Tibère reprend les manœuvres militaires et bat en août une nouvelle armée pannone. À la suite de la défaite, Baton de Pannonie trahit Pinnes en le donnant aux Romains mais il est par la suite capturé et exécuté par ordre de Baton de Dalmatie qui prend également le commandement des forces de la Pannonie.
Un
peu plus tard, Marcus Plautius Silvanus réussit à vaincre
les Breuces de Pannonie qui étaient parmi les premiers à se rebeller.
Débute
alors l'invasion romaine en Dalmatie, Tibère dispose ses troupes pour
être en mesure de lancer l'attaque finale de l'année suivante.
En 9,
Tibère reprend les hostilités en divisant l'armée en trois colonnes et
en mettant Germanicus à la tête de l'une d'entre elles.
Alors
que ses lieutenants mettent fin aux derniers foyers de rébellion, il
part en Dalmatie à la recherche du chef de la rébellion Baton le Dalmate,
se joignant à la colonne du nouveau légat Marcus Aemilius Lepidus. Il
le rejoint dans la ville d'Andretium où les rebelles se rendent, mettant
fin après quatre ans, au conflit.
Par cette victoire, Tibère est encore une fois acclamé imperator et
il obtient le triomphe qu'il célèbre seulement un peu plus tard, alors
qu'à Germanicus sont accordés les honneurs du triomphe (ornamenta triumphalia).
De nouveau en Germanie (9 - 11)
![](https://ekladata.com/aL4AjcqrW-PVHfhvZ_UnMgwA-Tw@220x175.jpg)
La Germanie romaine de 7 à 9 (défaite deVarus à Teutobourg)
En 9, après que Tibère eut défait avec succès les rebelles dalmates, l'armée romaine stationnée en Germanie et dirigée par Varus, est attaquée et battue dans une embuscade tendue par une armée dirigée par le germain Arminius alors qu'il traverse la forêt de Teutobourg.
Trois
légions, composées des hommes les plus expérimentés sont totalement
anéanties, et les conquêtes romaines au-delà du Rhin sont perdues car
elles restent privées d'une armée de garnison pour les garder.
Auguste craint également que, après une telle défaite, les Gaulois et les Germains, s'alliant, marchent contre l'Italie.
La
décision du souverain marcoman Marobod est importante, et il reste
fidèle aux pactes passés avec Tibère en 6 et refuse l'alliance avec
Arminius.
Tibère,
après avoir pacifié l'Illyrie, rentre à Rome où il décide de reporter
la célébration du triomphe de manière à respecter le deuil imposé par la
défaite de Varus.
Le peuple aurait voulu qu'il prenne un surnom, comme le Pannonique (Pannonicus), l'Invincible (Invictus) ou le Pieux (Pius),
qui permettrait de se souvenir de ses grandes entreprises. Auguste,
pour sa part, rejette la demande en répondant que, un jour, il prendrait
lui aussi le titre d'Auguste, puis il l'envoie sur le Rhin afin
d'éviter que l'ennemi germanique attaque la Gaule romaine et que les
provinces, à peine pacifiées, puissent se révolter de nouveau à la
recherche de leur indépendance.
Arrivé
en Germanie, Tibère peut mesurer la gravité de la défaite de Varus et
ses conséquences qui empêchent d'envisager une nouvelle reconquête des
terres qui vont jusqu'à l'Elbe.
Il
adopte, par conséquent, une conduite particulièrement prudente prenant
toutes les décisions avec le conseil de guerre et évitant de faire
appel, pour la transmission des messages, à des hommes du cru comme
interprètes.
De la même façon il choisit avec soin les endroits où installer les
camps afin d'éviter tout risque d'être victime d'une nouvelle embuscade.
Il
met en place, pour les légionnaires, une discipline de fer, punissant
de manière très sévère tous ceux qui transgressent les ordres.
Par
cette stratégie, il obtient un grand nombre de victoires et maintient
la frontière le long du Rhin en s'assurant de la fidélité à Rome des
peuples germaniques, parmi lesquels les Bataves, les Frisonset
les Chauques qui habitent ces lieux.
Succession (12 - 14)
![](https://ekladata.com/JWX3wzAtPxPhYqVRrPzvD1EdWvk@220x127.jpg)
La succession est l'une des plus grandes préoccupations de la vie d'Auguste.
Il est souvent atteint de maladies qui font craindre, à maintes reprises, une mort prématurée.
Le princeps épouse
en 42 av. J.-C. Clodia Pulchra, belle-fille de Marc Antoine qu'il
répudie l'année suivante pour épouser Scribonia et peu après Livie.
Pendant
quelques années, Auguste espère avoir comme héritier son gendre Marcus
Claudius Marcellus, le fils de sa sœur Octavie, qui s'est marié avec sa
fille Julia en 25 av. J.-C.
Marcellus
est adopté mais il meurt jeune, deux ans plus tard. Auguste contraint
alors Agrippa à épouser la jeune Julia, choisissant comme successeur son
ami de confiance à qui il attribue l’imperium proconsulaire et la puissance tribunicienne.
Agrippa
décède avant Auguste en 12 av. J.-C., alors que se mettent en valeur
pour leurs entreprises les frères Drusus, favori d'Auguste, et Tibère.
Après la mort prématurée de Drusus, le princeps donne
sa fille Julia en mariage à Tibère, mais adopte les enfants
d'Agrippa, Caius et Lucius Caesar : ceux-ci meurent jeunes non sans
suspecter une implication de Livie. Auguste, par conséquent, ne peut
qu'adopter Tibère, parce que le seul autre descendant direct masculin
encore en vie, le fils d'Agrippa, Agrippa Postumus, paraît brutal et
dépourvu de toutes qualités, et il est pour cela envoyé dans l'île de
Pianosa.
![](https://ekladata.com/spsy_d9qzbbEhEg_5NaLIiP_PWU@220x331.jpg)
Selon Suétone, Auguste, bien que plein d'affection envers son beau-fils, critique souvent certains aspects, mais il choisit de l'adopter pour plusieurs raisons :
« [...]
que les seules instances de Livie lui firent adopter Tibère ; ou que
son ambition même l'y détermina, afin qu'un jour un tel successeur le
fît d'autant plus regretter. [...] [ou plutôt qu'ayant] mis dans la
balance les vices et les qualités de Tibère, il trouva que celles-ci
l'emportaient. [...] dans l'intérêt de la république ; [...] un général
très habile, et comme l'unique appui du peuple romain. [...] le plus
vaillant et le plus illustre des généraux. [...] »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 21 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Tibère,
après avoir effectué les opérations en Germanie, célèbre à Rome
le triomphe, pour la campagne en Dalmatie et en Pannonied'octobre 12, au
cours duquel il se prosterne publiquement devant Auguste, et il obtient
en 13 le renouvellement de la puissance tribunicienne et de l’imperium proconsulare maius, titres qui le désignent comme successeur.
Il est élevé au rang effectif de co-régent avec Auguste : il peut
administrer les provinces, commander les armées et exercer pleinement le
pouvoir exécutif, bien que dès l'époque de son adoption, Tibère ait
commencé à prendre une part active dans le gouvernement de l'État,
aidant son beau-père pour la promulgation de lois et pour
l'administration.
En 14,
Auguste, désormais proche de la mort, appelle auprès de lui Tibère sur
l'île de Capri : l'héritier, qui n'y a jamais été, reste profondément
fasciné.
C'est
là qu'est décidé que Tibère se rendra de nouveau en Illyrie pour se
consacrer à la réorganisation administrative de la province.
Les
hommes repartent ensemble à Rome, mais Auguste, saisi par une soudaine
maladie, est contraint de s'arrêter dans sa villa de Nola, l'Octavianum, tandis que Tibère poursuit jusqu'à Rome et part pour l'Illyrie, comme cela est convenu.
Alors
qu'il s'approche de la province, Tibère est rappelé en urgence parce
que son beau-père, qui ne s'est plus déplacé de Nola, est désormais
mourant.
Selon Suétone, l'héritier rejoint Auguste et les deux ont un dernier entretien avant la mort du prince.
Selon d'autres versions, au contraire, Tibère arrive à Nola quand Auguste est déjà mort.
Dion
Cassius ajoute que Livie provoque la mort de son mari par
empoisonnement, si bien que Tibère arrive à Nola quand Auguste est déjà
mort.
Tacite raconte
que c'est Livie qui tue Auguste parce qu'il s'est récemment rapproché
de son neveu Agrippa Postumus, craignant que la succession de Tibère
puisse être remise en question.
Tibère
annonce la mort d'Auguste alors qu'arrive la nouvelle du mystérieux
assassinat d'Agrippa Postumus par le centurion chargé de sa
garde. Tacite signale que le meurtre est ordonné par Tibère ou
Livie ; Suétone raconte qu'on ne sait pas si l'ordre est donné par
Auguste sur son lit de mort, ou par d'autres, et que Tibère soutient
qu'il est étranger à ce crime (premier acte de gouvernement de Tibère ou
dernière volonté d'Auguste, difficile à dire.).
Craignant
d'éventuels attentats sur sa personne, Tibère se fait escorter par des
militaires, et il convoque le Sénat pour le 17 septembre afin de
discuter des funérailles d'Auguste et de la lecture de son testament.
Auguste laisse comme héritiers de son patrimoine Tibère et Livie (qui
prend le nom d'Augusta), mais il fait également de nombreux dons au peuple de Rome et aux légionnaires présents dans les armées.
Les sénateurs décident de réaliser des funérailles solennelles au princeps défunt,
le corps est incinéré au champ de Mars, et ils commencent à prier
Tibère d'assumer le rôle et le titre de son père, et donc de gouverner
l'Empire romain.
Tibère
d'abord refuse, selon Tacite et Suétone, voulant être supplié par les
sénateurs afin que le gouvernement de l'État ne semble pas prendre une
forme autocratique mais que le système républicain reste, au moins
formellement, intact.
À la fin, Tibère accepte l'offre du Sénat, avant d'en irriter les mêmes
esprits, probablement s'étant rendu compte qu'il y a l'absolue
nécessité d'une autorité centrale : le corps (l'Empire) a besoin d'une
tête (Tibère), d'après les propos deGaius Asinius Gallus selon Tacite :
« la République, formant un seul corps, devait être régie par une seule
âme ».
L'argument
avancé par les auteurs pro-Tibère est plus probable : ils indiquent que
les hésitations de Tibère pour prendre la direction de l'État sont
dictées par une réelle modestie, plutôt que par une stratégie
préméditée, peut-être suggérée par l'empereur Auguste.
Empereur romain
Histoire de son Principat (14 - 37)
Le princeps et Germanicus (14 - 19)
![](https://ekladata.com/WE-9hj9xlbKCAFFa2sEA36-buF4@220x306.jpg)
Après la séance du Sénat du 17 septembre 14, Tibère devient le successeur d'Auguste à la tête de l'État romain, regroupant la puissance tribunicienne, l’imperium proconsulare maius et d'autres pouvoirs dont bénéficiaient Auguste, et prenant le titre de princeps.
Tibère
reste empereur pendant plus de vingt ans, jusqu'à sa mort en 37. Son
premier acte est de ratifier la divinisation de son père adoptif,
Auguste (Divus Augustus), comme cela fut fait précédemment pour Jules César, en confirmant aussi le legs aux soldats.
Dès
le début de son principat, Tibère se trouve devoir vivre avec
l'important prestige que Germanicus, le fils de son frère Drusus qu'il a
adopté sur l'ordre d'Auguste, acquiert auprès de tout le peuple de
Rome.
Ce
prestige provient des campagnes sur le front septentrional que
Germanicus a menées à leurs termes ce qui lui a valu l'estime de ses
collaborateurs et des légionnaires, réussissant à récupérer deux des
trois « aigles légionnaires » perdues lors de la bataille de Teutobourg.
Sa
popularité est telle qu'il aurait pu prendre le pouvoir en chassant son
père adoptif dont l'accession au principat s'est accompagnée de la mort
de tous les autres parents qu'Auguste a indiqués comme héritiers.
Le ressentiment conduit Tibère à donner à son fils adoptif une mission particulière en Orient de manière à l'éloigner de Rome.
Le Sénat décide de donner au jeune homme l’imperium proconsulare maius sur toutes les provinces orientales.
Tibère,
cependant, n'a aucune confiance en Germanicus, qui en Orient, se serait
trouvé sans aucun contrôle et exposé à l'influence de son entreprenante
femme Agrippine l'Aînée.
Il décide donc de placer à ses côtés un homme de confiance : le choix
de Tibère se porte sur Gnaeus Calpurnius Piso qui est un homme dur et
inflexible et qui a été consul avec Tibère en 7 av. J.-C. Germanicus
part en 18 pour l'Orient avec Piso qui est nommé gouverneur de
la province de la Syrie.
La
succession n'est donc pas résolue, la rivalité entre son fils cadet
Julius Caesar Drusus et le fils aîné — juridiquement l'héritier — adopté
Germanicus étant latente.
![](https://ekladata.com/armII6hL0eDfr9LSjTajII5vMes@220x293.jpg)
Germanicus, revient en Syrie en 19, après avoir résidé en Égypte au cours de l'hiver.
Il
entre en conflit ouvert avec Piso, qui a annulé toutes les mesures que
Germanicus a prises ; Piso, en réponse, décide de quitter la province
pour retourner à Rome. Peu de temps après le départ de Piso, Germanicus
tombe malade et meurt après de longues souffrances, àAntioche, le 10
octobre.
Avant
de mourir, Germanicus exprime sa conviction d'avoir été empoisonné par
Piso et adresse une dernière prière à Agrippine afin qu'elle venge sa
mort.
Après les funérailles, Agrippine rentre à Rome avec les cendres de son mari où la peine de tout le peuple est grande.
Tibère,
pour éviter d'exprimer publiquement ses sentiments, n'assiste même pas à
la cérémonie au cours de laquelle les cendres de Germanicus sont
placées dans le mausolée d'Auguste.
En
fait, Germanicus pourrait être décédé de mort naturelle, mais sa
popularité croissante accentue l'événement, qui est également amplifié
par l'historien Tacite.
Dès
le début, une suspicion s'installe alimentée par les paroles prononcées
par Germanicus mourant qui accuse Piso d'avoir provoqué sa mort en
l'empoisonnant.
Ainsi,
la rumeur d'une participation de Tibère se propage, presque comme
l'instigateur de l'assassinat de Germanicus, ayant choisi
personnellement d'envoyer Piso en Syrie.
Lorsque
Piso est jugé, accusé d'avoir commis, également, de nombreux délits,
l'empereur tient un discours très modéré dans lequel il évite de prendre
position pour ou contre la condamnation du gouverneur.
Piso
ne peut pas être poursuivi pour un empoisonnement qui apparaît même
pour les accusateurs impossible à prouver, et le gouverneur, certain
d'être condamné pour d'autres délits qu'il a commis, décide de se
suicider avant que soit prononcé un verdict.
La
popularité de Tibère sort amoindrie de cet épisode car Germanicus était
très aimé. Tacite écrit de lui dix ans après sa mort :
« [...]
[Germanicus avait] l'esprit populaire et les manières affables du jeune
César [qui] contrastaient merveilleusement avec l'air et le langage de
Tibère, si hautain et si mystérieux [...] »
— Tacite, Annales, I, 33 (Trad. Jean-Louis Burnouf - 1859)
Les
deux personnages ont des manières de faire très différentes : Tibère se
distingue par sa froideur, sa réserve et son pragmatisme, tandis que
Germanicus se fait remarquer par sa popularité, sa simplicité et sa
fascination.
Ronald Syme soutient qu'il est vraisemblable que Tibère choisit Piso comme son confident, lui conférant un secreta mandata(« ordres
confidentiels ») pour éviter que le jeune âge de l'héritier au trône
puisse conduire Germanicus à une inutile et coûteuse guerre contre
les Parthes.
La
situation, cependant, échappe à Piso, probablement en raison des
frictions entre les épouses du légat impérial et du titulaire de l’imperium proconsulaire, de sorte que l'inimitié entre les deux dégénère en conflit ouvert.
La mort de Germanicus ne fait que donner un aspect négatif au personnage du princeps dans l'historiographie.
Mort de son successeur Julius Caesar Drusus (19 - 23)
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La mort de Germanicus ouvre la voie de la succession à l'unique fils naturel de Tibère, Julius Caesar Drusus, qui a, jusque-là, accepté un rôle mineur par rapport à son cousin Germanicus.
Il
a seulement un an de moins que le défunt et il est aussi intelligent,
comme cela apparaît clairement dans la façon dont il fait face à la
révolte en Pannonie.
Pendant
ce temps, Séjan, nommé préfet du prétoire aux côtés de son père en 16,
réussit rapidement à gagner la confiance de Tibère.
Aux
côtés de Drusus, favori pour la succession, s'ajoute le personnage de
Séjan qui acquiert une grande influence sur l'œuvre de Tibère : le
préfet du prétoire, qui fait preuve d'une réserve en tous points
similaire à celle de l'empereur, est en fait animé d'un fort désir de
pouvoir et il aspire à devenir le successeur de Tibère.
Séjan voit également croître énormément son pouvoir lorsque les neuf
cohortes prétoriennes sont regroupées dans la ville de Rome, près de
la Porte Viminale.
Entre Séjan et Drusus s'installe
une situation de rivalité, et le préfet commence à réfléchir à la
possibilité d'assassiner Drusus et les autres successeurs possibles de
Tibère.
Il séduit la femme de Drusus, Livilla, et a avec elle une relation.
Peu
après, en 23, Drusus meurt empoisonné, et le public suspecte, sans
aucun fondement, que Tibère aurait pu ordonner le meurtre de Drusus,
mais il semble plus probable que Livilla soit seule impliquée.
Huit
ans plus tard, Tibère apprend que son fils a été assassiné par sa
belle-fille Livilla et son conseiller dans lequel il plaçait toute sa
confiance, Séjan.
Départ pour Capri et ascension de Séjan (23 - 31)
![](https://ekladata.com/yP9lSxy-3ta6p2P4aX0y7wlWV3c@130x246.jpg)
Tibère se trouve une fois de plus, à l'âge de 64 ans, sans héritier, parce que les jumeaux de Drusus, nés en 19, sont trop jeunes, et que l'un d'entre eux est décédé peu après son père.
Il choisit de proposer comme successeur les jeunes fils de Germanicus
qui ont été adoptés par Drusus et qu'il place sous la protection des
sénateurs. Séjan a, alors, de plus en plus de pouvoir, de sorte qu'il
espère devenir empereur après la mort de Tibère.
Il
commence une série de persécutions envers les enfants et la femme de
Germanicus, Agrippine, puis contre les amis de Germanicus et beaucoup
d'entre eux sont contraints à l'exil ou choisissent le suicide pour
éviter une condamnation.
Tibère,
attristé par la mort de son fils et excédé par l'hostilité de la
population de Rome, décide de se retirer d'abord en Campanie en 26, puis
à Capri l'année suivante, sur les conseils de Séjan, pour ne plus
jamais revenir à Rome.
Il a déjà soixante-sept ans et il est probable que l'envie de s'éloigner de Rome le tente déjà depuis un certain temps.
Il
semble qu'après avoir vu son fils mourir, il ait parlé de sa démission.
Il ne peut plus supporter de voir des gens autour de lui qui lui
rappellent Drusus, sans oublier la proximité de Livie qui lui est
devenue insupportable.
Une
maladie qui le défigure augmente sa susceptibilité mais son retrait est
une très grave erreur, bien qu'il continue à gérer les problèmes de
l'Empire depuis Capri.
Le
préfet du prétoire, pendant ce temps, profitant de la pleine confiance
de l'empereur prend le contrôle de toutes les activités politiques,
devenant le représentant incontesté de la puissance impériale.
Il réussit également à convaincre le princeps de
concentrer l'ensemble des neuf cohortes prétoriennes, auparavant
réparties entre Rome et les autres villes italiques, dans Rome (dans
la caserne de la Garde prétorienne) à sa disposition, alors que Tibère a
quitté Rome.
![](https://ekladata.com/lNxNBSwWMx1aaiRTatrsm_SrIQU@220x341.jpg)
Tibère, cependant, se tient informé de la vie politique de Rome, et il reçoit régulièrement des notes qui l'informent des discussions menées au Sénat.
Il
peut, grâce à la création d'un véritable service postal, exprimer son
point de vue, et il est également en mesure de donner des ordres à ses
émissaires à Rome.
L'éloignement de Tibère de Rome conduit à une progressive diminution du rôle du Sénat au profit de l'empereur et de Séjan.
Le
préfet du prétoire commence à persécuter ses opposants, les accusant de
lèse-majesté afin de les éliminer de la scène politique.
Cette
situation conduit à la création d'un climat de suspicion généralisée
qui, à son tour, provoque de nouvelles rumeurs sur la participation de
l'empereur aux nombreux procès politiques intentés par Séjan et ses
collaborateurs.
En 29, lorsque Livie qui, avec son caractère autoritaire, a toujours
influencé le gouvernement, meurt à l'âge de 86 ans, son fils refuse de
retourner à Rome pour les funérailles et interdit sa divinisation.
Séjan
peut procéder, sans être dérangé, à une série d'actions contre
Agrippine et son fils aîné Nero Iulius Caesar qui est accusé notamment
de tentatives de subversion, ce qui lui vaut d'être condamné au
confinement sur l'île de Ponza où il meurt de faim en 30.
Agrippine, accusée d'adultère, est expulsée sur l'île Pandataria où elle meurt en 33.
Le projet de Séjan a précisément pour objectif de s'assurer de la succession de l'empereur.
Après
avoir éliminé les descendants directs de Tibère, le préfet est
désormais le seul candidat à la succession, et il tente en vain de
devenir parent de l'empereur par son mariage avec la veuve de Drusus,
Livilla.
Il
commence à viser l'attribution de la puissance tribunicienne qui aurait
officiellement permis sa nomination suivante en tant qu'empereur, le
rendant ainsi sacré et inviolable, et il obtient, en 31,
le consulat avec Tibère.
Dans
le même temps, la veuve de Nero Claudius Drusus, Antonia Minor, se fait
la porte-parole des sentiments d'une grande partie de la classe
sénatoriale et dénonce dans une lettre à Tibère toutes les intrigues et
les actes de sang dont Séjan, qui est en train d'ordonner une
conspiration contre l'empereur, est responsable.
Tibère, alerté, décide de destituer le puissant préfet et il organise une habile manœuvre avec l'aide du préfet de Rome Macron.
![](https://ekladata.com/g6sG5TqoK6Xgj89giIIXDh5xYcc@220x108.jpg)
Afin de ne pas éveiller les soupçons, l'empereur nomme Séjan pontife, promettant de lui donner au plus tôt la puissance tribunicienne.
En même temps, Tibère quitte la charge de consul ce qui oblige Séjan à y renoncer aussi.
Le 17 octobre 31 enfin, Tibère, nomme secrètement préfet du prétoire et chef des cohortes urbaines le préfet de Rome, Macron.
Il l'envoie à Rome avec l'ordre de se mettre d'accord
avec Lacon, préfet des vigiles et avec le nouveau consul désigné Publius
Memmius Regulus, afin de convoquer le lendemain le Sénat dans le temple
d'Apollon, sur le mont Palatin.
Ainsi,
Tibère obtient l'appui des cohortes urbaines et des vigiles contre une
éventuelle réaction des prétoriens en faveur de Séjan.
Quand
Séjan arrive au Sénat, il est informé par Macron de l'arrivée d'une
lettre de Tibère annonçant l'attribution de la puissance tribunicienne.
Ainsi, pendant que Séjan, jubilant, prend place parmi les sénateurs,
Macron, resté en dehors du temple, éloigne les prétoriens de garde, les
remplaçant par les vigiles de Lacon.
Puis, confiant la lettre de Tibère au consul pour qu'il la lise devant
le Sénat, il rejoint la caserne de la Garde prétorienne pour annoncer sa
nomination comme préfet du prétoire.
Dans
cette lettre, délibérément très longue et très vague, Tibère évoque
différents sujets, tantôt louant Séjan, tantôt le critiquant, et à la
fin seulement, l'empereur accuse le préfet de trahison, ordonnant sa
destitution et son arrestation.
Séjan,
consterné par la tournure inattendue, est immédiatement emmené,
enchaîné par les vigiles et peu après sommairement jugé par le Sénat qui
s'est réuni au temple de la Concorde : il est condamné à mort et à la damnatio memoriae.
La sentence est exécutée la nuit même dans la prison du Tullianum par strangulation, et le corps du préfet est laissé à la population qui le traîne dans les rues de la ville.
À la suite des mesures prises par Séjan à l'encontre d'Agrippine et de
la famille de Germanicus, le peuple a développé une forte aversion
envers le préfet.
Le Sénat déclare le 18 octobre fête publique et ordonne l'érection d'une statue à la Liberté.
![](https://ekladata.com/aj-iG1XiiWuhYIq63kj4H5yfSBg@220x165.jpg)
Quelques jours plus tard, les trois jeunes fils du préfet sont sauvagement étranglés dans la prison du Tullianum.
Son
ex-femme,Apicata, se suicide après avoir envoyé une lettre à Tibère
révélant les fautes de Séjan et de Livilla à l'occasion de la mort de
Drusus.
Livilla est jugée, et pour éviter une condamnation certaine, elle se laisse mourir de faim.
Après
la mort de Séjan et de sa famille, une série de procès à l'encontre des
amis et collaborateurs du défunt préfet provoque leur condamnation à
mort ou les contraint au suicide.
Dernières années : un nouvel exil (31 - 37)
![](https://ekladata.com/bDIRL0D0BFG1XOLL95-tksygdjU@220x170.jpg)
Tibère passe la dernière partie de son règne sur l'île de Capri, entouré par des hommes de savoir, des avocats, des écrivains et même des astrologues.
Il fait construire douze maisons pour ensuite vivre dans celle qu'il préfère, la Villa Jovis.
Tacite et Suétone racontent
qu'à Capri, Tibère laisse libre cours à ses vices, s'abandonnant à ses
désirs effrénés mais il semble plus probable que Tibère ait maintenu sa
coutumière réserve, évitant les excès comme il l'a toujours fait et sans
négliger ses devoirs envers l'État et continuant à travailler dans son
intérêt.
Après
la chute de Séjan, la question de la succession ressurgit, et
en 33, Drusus Iulius Caesar, le plus grand des enfants de Germanicus
resté en vie, meurt de faim après avoir été condamné au confinement
en 30 suite à une accusation d'avoir conspiré contre Tibère.
Quand
Tibère, en 35, dépose son testament, il ne peut choisir que parmi trois
successeurs possibles, il inclut son petit-filsTiberius Gemellus, fils
de Julius Caesar Drusus, et son petit-neveu Caligula, fils de
Germanicus.
Reste donc exclu du testament, le frère de Germanicus, Claude, qui est considéré comme inadapté au rôle de princeps en raison de sa faiblesse physique et de doutes sur sa santé mentale.
Le favori à la succession semble être immédiatement le jeune Caius,
mieux connu sous le nom de Caligula, parce que Tiberius Gemellus,
également soupçonné d'être le fils de Séjan (en raison de ses relations
adultères avec l'épouse de Drusus, Livilla), a dix ans de moins : deux
raisons suffisantes pour ne pas lui laisser le principat.
Le préfet du prétoire Macron fait preuve de sympathie à l'égard de Caius, gagnant par tous les moyens sa confiance.
![](https://ekladata.com/_gVhZ69uf0I_iYdGFksi9wUEFng@220x370.jpg)
En 37, Tibère quitte Capri, comme il l'a fait précédemment, peut-être avec l'idée de revenir enfin à Rome pour passer ses derniers jours.
Effrayé
par les réactions que la population pourrait avoir, il s'arrête à
seulement sept mille de Rome et décide de repartir vers la Campanie.
Il est saisi d'une maladie et transporté dans la villa de Lucullus à Misène.
Après une première amélioration, il tombe le 16 mars dans un état de délire et on le croit mort.
Alors
que beaucoup se préparent déjà à célébrer la prise de pouvoir
de Caligula, Tibère récupère une fois de plus, provoquant des ravages
parmi ceux qui ont salué le nouvel empereur.
Le préfet Macron ordonne que Tibère soit étouffé dans des couvertures.
Le vieil empereur, faible et incapable de réagir, expire à l'âge de soixante-dix-sept ans.
Le peuple romain réagit avec une grande joie à la nouvelle de la mort de Tibère, fêtant sa disparition.
Beaucoup
de monuments qui célèbrent les entreprises de l'empereur sont détruits
ainsi que de nombreuses statues qui le représentent.
Certains
essaient de faire pratiquer la crémation du corps à Misène mais sa
dépouille est transportée à Rome où il est incinéré sur le Champ de
Mars et inhumé, au milieu d'insultes, dans le mausolée d'Auguste le 4
avril, gardé par les prétoriens.
Alors que l'empereur défunt reçoit de modestes funérailles, le 29 mars, Caligula est acclamé princeps par le Sénat.
Politique interne
Tibère ne se distingue pas pour ses tendances à la rénovation.
Au
cours de son règne, il fait preuve d'un strict respect de la tradition
augustéenne, essayant d'appliquer toutes les instructions d'Auguste.
Son
but est de préserver l'Empire, d'assurer la paix interne et externe
tout en consolidant le nouvel ordre et en évitant qu'il ne prenne les
caractéristiques d'un dominat.
Pour
mettre en œuvre son plan, il utilise des collaborateurs et de nombreux
conseillers personnels qui sont des officiels qui l'ont suivi au cours
des longues et nombreuses campagnes militaires qui ont duré près de
quarante ans.
Il
convient d'ajouter que l'administration de l'État durant les premières
années de son règne est reconnue, par tous, comme excellente par son bon
sens et sa modération.
Tacite apprécie les capacités du nouveau princeps au moins jusqu'à la mort de son fils Drusus qui a lieu en 23.
La même chose s'applique pour les relations entre Tibère et la nobilitas sénatoriale qui sont cependant différentes de celles qui s'étaient instaurées avec Auguste.
Le
nouvel empereur semble différent de son beau-père par ses mérites et
son ascendant, celui-ci ayant mis fin aux guerres civiles, apporté la
paix à l'Empire et obtenu par conséquent une grande autorité.
Tibère doit baser le rapport entre le princeps et la noblesse sénatoriale sur unmoderatio qui augmente la puissance des deux, superposant l'ordre hiérarchique traditionnel.
Il établit une nette distinction entre les honneurs destinés aux empereurs vivants et le culte de ceux morts et divinisés.
Malgré ces mesures qui contribuent à maintenir en vie la « fiction
républicaine », il ne manque pas de membres de la classe sénatoriale
pour s'opposer fermement à son œuvre.
Mais
Tibère au cours des premières années, suivant le modèle d'Auguste,
cherche sincèrement à obtenir la coopération avec le Sénat, assistant
souvent à ses réunions, en respectant la liberté de discussion, en le
consultant également sur des questions qu'il est en mesure de résoudre
par lui-même et en accroissant les fonctions administratives du Sénat.
Celui-ci fait valoir que « le princeps doit servir le Sénat » (bonum et salutarme principem senatui servire debere).
![](https://ekladata.com/zEgPL-QG2my5Np2gLCNa6OQCNL8@220x212.jpg)
Les magistratures conservent leur dignité et le Sénat, que Tibère consulte souvent avant de prendre des décisions dans tous les domaines, est favorisé par la plupart des mesures : Même s'il est d'usage que l'empereur signale certains candidats à la magistrature, les élections continuent d'avoir lieu, au moins formellement, par l'assemblée des comices centuriates.
Tibère décide de mettre un terme à la coutume, et les sénateurs ont le privilège de l'élection des juges.
De
la même manière, Tibère décide d'allouer aux sénateurs la tâche de
juger les sénateurs eux-mêmes, ou les chevaliers de haut rang qui se
sont rendus coupables de crimes graves comme le meurtre ou la trahison ;
les Sénateurs sont également chargés de juger sans l'intervention de
l'empereur le travail des gouverneurs de province ; enfin, est confiée
au Sénat la juridiction dans le domaine religieux et social dans toute
l'Italie.
Au
cours de la période de son séjour à Capri, Tibère, pour empêcher que le
Sénat prenne des mesures qui ne lui conviennent pas, en particulier en
ce qui concerne les nombreux procès de lèse-majesté menés par Séjan,
décide que toute décision adoptée par le Sénat doit être appliquée
uniquement dix jours plus tard, de sorte qu'il peut contrôler, en dépit
de la distance, le travail des sénateurs.
Le prince consulte souvent le Sénat par des senatus consulta,
parfois sur des questions hors de sa compétence, comme par exemple les
questions de caractère religieux, Tibère ayant une aversion particulière
pour les cultes orientaux. En 19 les cultes chaldéen et juifsont rendus
illégaux et ceux qui les professent sont obligés de s'enrôler ou d'être
expulsés d'Italie.
Il ordonne de brûler tous les parements et les objets sacrés utilisés
pour les cultes en question, et, par l'enrôlement, il peut envoyer les
jeunes juifs dans les régions les plus reculées et les plus insalubres
afin d'infliger un coup sévère à la propagation du culte.
Tibère réforme, au moins en partie, l'organisation augustéenne contre le célibat, mettant l'accent sur la lex Papia Poppaea :
sans abolir les dispositions de son beau-père, il nomme une commission
qui s'occupe de réformer l'organisation et de rendre moins sévère les
peines en commençant par les célibataires ou ceux qui, bien que mariés,
n'ont pas d'enfants.
Des mesures sont adoptées pour freiner le luxe et garantir la moralité des coutumes.
Parmi les mesures les plus importantes, on trouve l'adoption de la lex de Maiestate qui prévoit que soient poursuivis et passibles de condamnation tous ceux qui offensent la majesté du peuple romain.
Sur
la base d'une loi aussi vague, sont considérés coupables ceux qui sont
responsables d'une défaite militaire, d'une sédition ou qui ont mal géré
l'administration.
La
loi, qui entre en vigueur après avoir été abrogée, devient un outil
entre les mains de l'empereur, du Sénat, et en particulier du préfet
Séjan afin de criminaliser les opposants politiques.
Tibère, cependant, s'oppose à plusieurs reprises à ces jugements politiques, incitant les juges à agir en toute honnêteté.
Administration financière et provinciale
Tibère est excellent en gestion financière, il laisse à sa mort un surplus considérable dans les coffres de l'État.
Pour
ne citer que quelques exemples, les biens du
roi Archélaos deCappadoce deviennent une propriété impériale ainsi que
plusieurs mines gauloises de son épouse Julia, une mine d'argent
des Ruthéniens, une mine d'or d'un certain Sestus Marius confisquée en Hispanie en 33, et d'autres encore.
Il confie l'administration des biens de l'État à des fonctionnaires
particulièrement compétents, dont la charge ne prend fin qu'avec l'âge.
Il
est toujours prêt et généreux pour intervenir en toutes circonstances
lors de difficultés internes comme lorsque la plèbe urbaine souffre au
cours de famine ou comme lorsqu'en 36 il instaure une aide, à la suite
d'un incendie sur l'Aventin, de cent millions de sesterces.
En 33, après avoir pris certaines mesures contre l'usure, il réussit à
atténuer une grave crise agraire et financière causée par une réduction
de la circulation monétaire, instituant, avec sa propre fortune, un fond
pour financer les prêts de plus de cent millions de sesterces.
Les débiteurs peuvent emprunter pendant trois ans sans intérêts en
apportant en garantie des terrains d'une valeur double du prêt demandé.
Dès
que possible, il tente de rationaliser les dépenses publiques en
matière de spectacles, en réduisant les salaires des acteurs et en
diminuant le nombre de paires de gladiateurs participant aux jeux.
Il
réduit de 1 % à 0,5 % l'impopulaire taxe sur les ventes, et il laisse, à
sa mort, 2 700 millions de sesterces dans les caisses du trésor.
Aux
gouverneurs provinciaux qui lui demandent d'imposer de nouvelles taxes,
il s'oppose fermement, répondant que « c'est le travail du bon berger
de tondre les moutons et non de les écorcher ».
Il sait choisir, en outre, des administrateurs compétents et il soigne en particulier le gouvernement des provinces.
Les
gouverneurs qui obtiennent de bons résultats et qui se sont distingués
pour leur honnêteté et leur compétence reçoivent, en récompense, la
prorogation de leur mandat.
Tacite voit,
en cet usage, la volonté de l'indécis Tibère de reporter sur les
gouverneurs la préoccupation de la gestion des provinces et d'éviter que
des personnes puissent profiter de bénéfices issus de leur charge de
haut magistrat.
La
collecte des impôts dans les provinces est confiée aux chevaliers, qui
s'organisent en sociétés d'adjudication. Tibère évite l'imposition de
nouvelles taxes aux provinces et écarte ainsi le risque de révoltes.
Il fait également construire des routes en Afrique,
en Hispanie (surtout dans le nord-ouest), en Dalmatie et
en Mésie jusqu'aux portes de Fer, le long du Danube, et d'autres sont
réparées comme dans la Gaule narbonnaise.
Politique extérieure et politique militaire
![](https://ekladata.com/Ls6FEdgHO_oDvCd09o7GoHj3LnU@330x229.jpg)
Les conquêtes romaines (vert) sous le règne d'Auguste (-30 - 14)
Tibère reste fidèle au consilium coercendi intra terminos imperii d'Auguste (« conseil de ne plus reculer les bornes de l'Empire »), c'est-à-dire la décision de maintenir les frontières de l'Empire inchangées.
Il essaie de protéger les territoires internes et d'en assurer la
tranquillité et il œuvre uniquement pour des changements nécessaires à
la sécurité.
Il réussit à éviter des guerres ou des expéditions militaires inutiles
avec les répercussions sur les dépenses publique qu'on imagine et en
plaçant une plus grande confiance dans la diplomatie.
Il
éloigne les rois et les gouverneurs qui se révèlent inaptes à leur
fonction et il cherche à assurer une plus grande efficacité du système
administratif.
Les seules modifications territoriales concernent l'Orient lorsqu'à la
mort des rois clients, la Cappadoce, la Cilicie et la Commagène sont
incorporées dans les frontières de l'Empire.
Toutes
les révoltes qui s'ensuivent, au cours de son long principat qui dure
23 ans, sont étouffées dans le sang par ses généraux, comme celle de
Tacfarinas et des Musulames de 17 à 24, en Gaule par Julius
Florus et Julius Sacrovir en 21 ou encore en Thraceavec le roi client
des Odryses autour du 21.
Pendant
le règne de Tibère, les forces militaires sont déployées avec la
disposition suivante : la protection de l'Italie est confiée à deux
flottes, celle de Ravenne et du cap Misène, et Rome est défendue par
neuf cohortes prétoriennesque Séjan a réunies dans un camp à la
périphérie de la ville et trois cohortes urbaines.
Le nord-ouest de l'Italie est gardé par une flotte au large des côtes
de la Gaule composée de navires qu'Auguste avait capturés à Actium.
Le reste des forces est stationné dans les provinces dans le but de
garantir les frontières et de réprimer d'éventuelles révoltes internes :
huit légions sont déployées dans la région du Rhin pour se protéger des
invasions germaniques et des révoltes gauloises, trois légions sont
en Hispanie, et deux dans les provinces d'Égypte et d'Afrique où Rome
peut aussi compter sur l'aide du royaume de Maurétanie.
En Orient, quatre légions sont réparties entre la Syrie et l'Euphrate.
En
Europe orientale, enfin, deux légions sont stationnées en Pannonie,
deux en Mésie pour protéger les frontière du Danube, et deux
en Dalmatie.
De
petites flottes de trirèmes, des bataillons de cavalerie et des troupes
auxiliaires recrutées parmi les habitants des provinces, sont répartis
sur tout le territoire afin qu'ils puissent intervenir là où le besoin
s'en fait sentir.
En Germanie
![](https://ekladata.com/_5YoFQv5mcEIsji0iVSZ8jeoCj8@220x330.jpg)
En ce qui concerne la politique extérieure le long des frontières septentrionales, Tibère suit une démarche de maintien et de consolidation d'un mur contre les Germains le long du Rhin en mettant fin, quelques années après son accession au trône, aux opérations militaires improductives et dangereuses que Germanicus a entreprises dans les années 14-16.
Tacite, qui admire Germanicus et a peu de sympathie pour Tibère, impute la décision du princeps à sa jalousie à l'encontre des succès obtenus par son neveu.
Tibère
lui reconnaît le mérite d'avoir rétabli le prestige de l'Empire romain
auprès des Germains, il considère au contraire et à juste titre, qu'une
nouvelle tentative d'établir la frontière sur l'Elbe conduirait à un
éloignement de la politique d'Auguste que Tibère considère comme un praeceptum ainsi
qu'à une augmentation significative des dépenses militaires et à
l'obligation d'engager une campagne en Bohême contre Marobod, roi
des Marcomans.
Tibère ne le juge ni nécessaire ni utile.
Les
dissensions internes au sein des tribus germaniques donnent lieu à une
guerre entre Chattes et Chérusques puis à une autre entre Arminius et
Marobod jusqu'à ce que ce dernier soit exilé en 19, alors que le premier
est assassiné (en 21).
Scullard estime, en effet, que cette décision est motivée et de plus judicieuse.
En 14,
alors que la révolte des légions en Pannonie est en cours, les hommes
stationnés à la frontière germanique se rebellent, provoquant des actes
de violence et des massacres. Germanicus, qui est alors à la tête de
l'armée en Germanie et qui bénéficie de beaucoup de prestige, se charge
de calmer la situation, affrontant personnellement les soldats
séditieux.
Ceux-ci
demandent, comme leurs camarades de Pannonie, la réduction de la durée
du service militaire et l'augmentation de la solde.
Germanicus
décide de leur accorder le congé après vingt ans de service et d'y
inclure tous les soldats de réserve qui ont combattu pendant seize ans,
les exemptant de toutes obligations sauf pour repousser les attaques
ennemies.
Il double, dans le même temps, l'héritage auquel ils ont droit, selon le testament d'Auguste.
Les légions, qui ont appris depuis peu le décès d'Auguste, assurent de
leur soutien le général s'il souhaitait prendre le pouvoir par la force,
mais il refuse, faisant preuve de respect envers son père adoptif
Tibère et d'une grande fermeté.
La
révolte, qui touche un grand nombre des légions stationnées en
Germanie, est difficile à réprimer et se termine par le massacre de
nombreux légionnaires rebelles.
Les mesures prises par Germanicus pour satisfaire aux exigences des
légions sont officialisées plus tard par Tibère qui attribue les mêmes
indemnités aux légionnaires de Pannonie.
![](https://ekladata.com/ksggLPZ7r3szU9qSvW8UIcxnIiU@220x175.jpg)
La campagne de Germanicus en 14
Germanicus, après avoir repris la situation en main, décide d'organiser une expédition contre les peuples germaniques qui ont appris la nouvelle de la mort d'Auguste et la rébellion des légions.
Ils pourraient décider de lancer une nouvelle attaque contre l'Empire.
Germanicus
confie une partie des légions au lieutenant Aulus Caecina Severus puis
il attaque les tribus des Bructères, des Tubantes et des Usipètes qu'il
bat nettement, accompagnant ses victoires de nombreux massacres.
Il attaque les Marses obtenant neuf victoires et pacifiant ainsi la région à l'ouest du Rhin.
De
cette façon, il est en mesure de préparer pour 15 une expédition à
l'est du grand fleuve par laquelle il aurait vengé Varus et freiné toute
volonté expansionniste des Germains.
En 15,
Germanicus traverse le Rhin avec le lieutenant Aulus Caecina Severus
qui vainc de nouveau les Marses tandis que le général obtient une large
victoire sur les Chattes.
Le
prince des Chérusques, Arminius, qui avait battu Varus à Teutobourg,
incite tous les peuples germaniques à la révolte en leur demandant de
combattre les envahisseurs romains.
Il se forme même un petit parti pro-romain conduit par le beau-père d'Arminius, Ségeste, qui offre son aide à Germanicus.
Celui-ci se rend vers Teutobourg où il retrouve un des aigles légionnaires perdu au cours de la bataille, six ans plus tôt.
Il rend les honneurs funèbres aux morts dont les dépouilles sont restées sans sépulture.
Germanicus
décide de poursuivre Arminius afin de l'affronter au cours d'une
bataille, le prince germanique attaque les escadrons de cavalerie que
Germanicus envoie en avant-garde, sûr de pouvoir surprendre l'ennemi.
L'armée entière des légionnaires est alors obligée d'intervenir pour éviter une nouvelle défaite désastreuse.
Germanicus décide de retourner à l'ouest du Rhin avec ses hommes.
Alors qu'il se trouve sur le chemin du retour près du pontes longi, Aulus Caecina Severus est attaqué et battu par Arminius ce qui l'oblige à se retirer dans son campement.
Les Germains, convaincus de pouvoir vaincre les légions, attaquent le
camp mais ils sont sévèrement battus à leur tour et Aulus Caecina
Severus peut conduire ses légions saines et sauves à l'ouest du Rhin.
![](https://ekladata.com/73wXKRNRivBurlGosye2jNx9OWQ@220x157.jpg)
Bien qu'ayant remporté une importante victoire, Germanicus est conscient que les Germains sont encore capables de se réorganiser et il décide, en 16, d'engager une nouvelle campagne dont l'objectif est d'anéantir définitivement la population entre le Rhin et l'Elbe.
Pour
rejoindre sans problème les territoires ennemis, il fait préparer une
flotte qui doit conduire les légions jusqu'à l'embouchure de fleuve
Amisia.
En
peu de temps, il réunit plus d'un millier de bateaux, légers et
rapides, capables de transporter de nombreux hommes, mais aussi équipés
de machines de guerre pour la défense.
Les
Romains débarquent à peine en Germanie que les tribus du lieu, réunies
sous le commandement d'Arminius, se préparent à faire face aux
envahisseurs et se réunissent pour combattre près du
fleuve Weser(bataille d'Idistaviso).
Les hommes de Germanicus, bien mieux préparés que leurs ennemis, affrontent les Germains et remportent une écrasante victoire.
Arminius et les siens se retirent près du val angrivarien puis subissent une nouvelle défaite contre les légionnaires romains.
Les personnes qui habitent entre le Rhin et l'Elbe sont ainsi éliminées.
Germanicus
reconduit ses troupes en Gaule, mais, sur le chemin du retour, la
flotte romaine est dispersée par une tempête et elle subit de nombreuses
pertes.
L'incident donne l'espoir aux Germains d'inverser le sort de la guerre,
mais les lieutenants de Germanicus prennent le dessus sur leurs
ennemis.
Bien
que Rome ne soit pas en mesure d'étendre sa zone d'influence, la limite
fixée par le Rhin la protège d'une éventuelle révolte germanique et un
événement majeur met fin aux rébellions : en 19, après avoir battu le
roi pro-romain des Marcomans, Marobod, Arminius meurt, trahi et tué par
ses compagnons qui ambitionnent le pouvoir.
En Orient
![](https://ekladata.com/s2QyzaxUF4I7tf3T-ykfm8jvLIU@220x103.jpg)
En Orient, la situation politique, après une période de calme relatif suite aux accords entre Auguste et les souverains parthes, se transforme en confrontation en raison de troubles internes, Phraatès IV et ses enfants meurent à Rome alors qu'Auguste règne encore.
Les
Parthes demandent donc que Vononès, fils de Phraatès, envoyé
précédemment comme otage, puisse revenir en Orient afin de monter sur le
trône comme le dernier membre encore en vie de la dynastie arsacide.
Le nouveau roi, étranger aux traditions locales, se montre désagréable
aux Parthes et il est vaincu et chassé par Artaban III, et se réfugie
en Arménie.
Là,
les rois imposés par Rome sur le trône étant morts, Vononès est donc
choisi comme nouveau souverain mais Artaban fait pression sur Rome pour
que Tibère destitue le nouveau roi arménien.
L'empereur,
pour éviter d'avoir à entreprendre une nouvelle guerre contre les
Parthes fait arrêter Vononès par le gouverneur romain de la Syrie.
La
mort du roi de la Cappadoce, Archélaos, qui est venu à Rome rendre
hommage à Tibère, celle de Antiochos III, roi de Commagène, et
de Philopator, roi de Cilicie, viennent perturber la situation en
Orient.
Les trois États, qui sont des vassaux de Rome, sont dans un fort
contexte d'instabilité politique que les désaccords entre les partis
pro-romain et les défenseurs de l'autonomie accroissent.
La
difficulté de la situation en Orient rend nécessaire une intervention
romaine. Tibère, en 18, envoie son fils adoptif, Germanicus, qui est
nommé consul et qui se voit octroyer l'imperium proconsolaris maius sur toutes les provinces orientales.
Dans
le même temps, l'empereur nomme un nouveau gouverneur de la province
de Syrie, Gnaeus Calpurnius Piso, qui fut consul avec Tibère en 7 av.
J.-C.
Le royaume d'Arménie est resté sans souverain après la destitution de
Vononès, aussi, après son arrivée en Orient, Germanicus confère la
charge de roi, avec le consentement des Parthes, à Zénon fils du
souverain du Pont Polémon Ier.
Il est couronné à Artachat.
Germanicus
impose que Commagènerelève de la compétence d'un préteur, tout en
conservant son autonomie formelle, que la Cappadoce soit transformée en
province et que la Cilicie soit incluse dans la province de Syrie.
Il reçoit un ambassadeur du roi parthe Artaban qui est prêt à confirmer et à renouveler l'amitié et l'alliance des deux empires.
En signe d'hommage à la puissance romaine, Artaban décide de rendre
visite à Germanicus sur les rives de l'Euphrate, et demande, en échange,
que Vononès soit chassé de la Syrie où il se situe depuis son
arrestation, étant soupçonné de fomenter la discorde.
Germanicus accepte de renouveler les liens d'amitié avec les Parthes,
et consent à l'expulsion de Vononès qui a lié amitié avec le gouverneur
Piso.
L'ex-roi
de l'Arménie est donc confiné dans la ville de Pompeiopoli en Cilicie
où il décède peu de temps après, tué par des cavaliers romains alors
qu'il essaie de s'échapper.
En 19 Germanicus meurt après avoir évité, par des mesures adaptées, une
famine qui se développe depuis l'Égypte avec des conséquences
catastrophiques.
La
réorganisation mise en place par Germanicus en Orient garantit la paix
jusqu'en 34 : cette année-là, le roi Artaban de Parthie, est convaincu
que Tibère, désormais âgé, ne s'opposera pas, depuis Capri, à la mise en
place de son fils Arsace sur le trône d'Arménie après la mort
d'Artaxias.
Tibère
décide d'envoyer Tiridate, descendant de la dynastie arsacide tenu en
otage à Rome, disputer le trône parthe d'Artaban et il soutient
l'installation de Mithridate, frère du roi d'Ibérie, sur le trône
d'Arménie.
Mithridate,
avec l'aide de son frère Pharsman, réussit à s'emparer du trône
d'Arménie : les serviteurs d'Arsace, corrompus, tuent leur maître, les
Ibères envahissent le royaume et battent, s'alliant aux populations
locales, l'armée des Parthes dirigée par Orode, fils d'Artaban.
Artaban,
craignant une intervention massive des Romains, refuse d'envoyer plus
de troupes contre Mithridate et abandonne ses revendications sur le
royaume d'Arménie.
Dans
le même temps, la haine que Rome fomente auprès des Parthes envers le
roi Artaban le contraint à quitter le trône et à se retirer tandis que
le trône passe à l'arsacide Tiridate.
Après
un règne d'un an de Tiridate, Artaban rassemble une grande armée et
marche contre l'arsacide qui se réfugie à Rome, où il est contraint de
se retirer, et Tibère doit accepter que la Parthie soit gouvernée par un
roi hostile aux Romains.
En Afrique
![](https://ekladata.com/CbGD9Sk73p_3dNqPusVEf5xqBEo@220x293.jpg)
En 17, le numide Tacfarinas, qui a servi dans les troupes auxiliaires de l'armée romaine, rassemble autour lui une troupe nombreuse, puis plus tard, il devient le meneur de la population berbère qui vit dans les zones désertiques à proximité du Sahara occidental.
Il
organise une armée pour faire des raids et tenter de détruire la
domination romaine et attire à ses côtés les Maurétaniens dirigés par
Mazippa.
Le proconsul d'Afrique Marcus Furius Camillus, s'empresse de marcher
contre Tacfarinas et ses alliés, de crainte que les rebelles refusent
d'engager la bataille, et il les bat nettement, obtenant les insignes
du triomphe.
L'année
suivante, Tacfarinas reprend les hostilités, débutant une série
d'attaques et de raids contre les villages et accumulant un gros butin.
Il encercle une cohorte d'armée romaine qu'il réussit à battre.
Le nouveau proconsul, Lucius Apronius qui a succédé à Camillus, envoie le corps des vétérans contre Tacfarinas qui est battu.
Le
Numide entreprend alors une tactique de guérilla contre les Romains,
mais après quelques succès, il est de nouveau battu et repoussé dans le
désert.
Après
quelques années de paix, en 22, Tacfarinas envoie des ambassadeurs à
Rome auprès de Tibère afin de lui demander pour lui et ses hommes la
possibilité de résider en permanence sur les territoires romains.
Le Numide menace de déclencher une nouvelle guerre si Tibère n'accède pas à sa requête.
L'empereur considère la menace de Tacfarinas comme une insulte à la
puissance de Rome, et ordonne de mener une nouvelle offensive contre les
rebelles numides.
Le commandant de l'armée romaine, le nouveau proconsulQuintus Junius
Blaesus, décide d'adopter une stratégie similaire à celle adoptée par
Tacfarinas en 18 : il divise son armée en trois colonnes, avec
lesquelles il peut à maintes reprises attaquer l'ennemi et le
contraindre à se retirer. Le succès semble être définitif, de sorte que
Tibère consent à proclamer Blaesus imperator.
La
guerre contre Tacfarinas prend seulement fin en 24. Malgré toutes les
défaites subies, le rebelle numide continue à résister et décide de
mener une offensive contre les Romains.
Il assiège une petite ville, mais il est immédiatement attaqué par l'armée romaine et forcé à la retraite.
De
nombreux chefs rebelles sont capturés et tués. Les bataillons de
cavalerie et les cohortes légères, renforcés aussi par les hommes
envoyés par le roi Ptolémée de Maurétanie, se lancent à la poursuite des
fugitifs.
Ces alliés des Romains décident d'entrer en guerre contre Tacfarinas car ce dernier a attaqué leur royaume.
Rejoints,
les rebelles numides engagent une nouvelle bataille mais ils sont
durement défaits. Tacfarinas, certain de la défaite finale, se jette sur
les rangs ennemis et meurt sous les coups, ce qui met fin à la révolte.
En Gaule
En 21, les habitants de la Gaule, écrasés par les taxes, se rebellent, dirigés par Julius Florus et Julius Sacrovir.
Les
deux organisateurs de la révolte, un membre de la tribu desTrévires,
l'autre de celle des Éduens, ont la citoyenneté romaine que leurs
ancêtres ont reçue pour les services rendus à l'État et ils connaissent
le système politique et militaire romains.
Afin
de mettre tous les atouts de leurs côtés, ils essayent d'étendre la
révolte à toutes les tribus gauloises, entreprenant de nombreux voyages
et gagnant à leur cause, la Gaule belgique.
Tibère
tente d'éviter une intervention directe de Rome, mais, quand les
Gaulois enrôlés dans les troupes auxiliaires font défection, les légions
romaines marchent contre Florus et le battent près des Ardennes.
Le chef des Trévires, voyant que son armée n'a pas d'autre possibilité
que la fuite, se suicide, pour les siens qui sont restés sans chef,
c'est la fin de la rébellion.
Julius
Sacrovir prend le commandement général de la rébellion et rassemble
autour de lui toutes les tribus encore prêtes à se battre contre Rome.
Près d'Autun, il est attaqué par l'armée romaine et malgré sa valeur, il est battu.
Pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis, il décide de se suicider ainsi que ses plus fidèles collaborateurs.
Après la mort de ceux capables d'organiser la révolte, celle-ci se termine sans la moindre réduction d'impôts.
En Illyrie et dans les Balkans
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L'Empire romain en 14, au début du règne de Tibère
En 14, les légions ont à peine pris leurs quartiers dans la région de l'Illyrie qu'elles apprennent la mort d'Auguste.
Une révolte éclate fomentée par les légionnaires Percennius et Vibulenus.
Ils
espèrent enclencher une nouvelle guerre civile à partir de laquelle ils
tireront d'importants revenus et, en même temps, ils veulent améliorer
les conditions dans lesquelles vivent les militaires, demandant une
réduction des années de service militaire, et que leur salaire quotidien
soit porté à un denier.
Tibère,
récemment arrivé au pouvoir, refuse d'intervenir personnellement et
envoie auprès des légions son fils Drusus avec quelques citoyens romains
et deux cohortes prétoriennes avec Séjan, fils du préfet du
prétoire Lucius Seius Strabo.
Drusus met fin à la révolte en éliminant les chefs Percennius et Vibulenus et par une répression à l'encontre des rebelles.
Les légionnaires ne bénéficient de concessions qu'après celles accordées par Germanicus aux légions de Germanie.
Sur
le secteur de l'Illyrie, Tibère obtient, en 15, que les provinces
sénatoriales de l'Achaïe et de Macédoine soient réunies à la province
impériale de Mésie, prorogeant le mandat du gouverneur Caius Poppeus
Sabinus (qui reste en fonction 21 ans, de 15 à 36) et de ses
successeurs.
Même
en Thrace, la situation de quiétude de l'époque d'Auguste se termine
après la mort du roi Rhémétalcès, allié de Rome. Le royaume est divisé
en deux parties, qui sont réparties entre le fils et le frère du roi
défunt, Cotys VIII et Rhescuporis III.
Cotys
reçoit la région proche de la côte et des colonies grecques.
Rhescuporis, celle sauvage et inculte de l'intérieur, exposée à des
attaques hostiles des peuples voisins.
Rhescuporis décide de s'accaparer les terres de son neveu, et mène à son encontre une série d'actions violentes.
En 19,
Tibère, dans une tentative d'empêcher une nouvelle guerre qui aurait
probablement nécessité l'intervention des troupes romaines, envoie des
émissaires aux deux rois thraces afin de favoriser l'ouverture de
négociations de paix.
Rhescuporis
ne renonce pas à son ambition, il fait emprisonner Cotys et prend
possession de son royaume puis demande que Rome reconnaisse sa
souveraineté sur toute la Thrace.
Tibère invite Rhescuporis à rejoindre Rome pour justifier l'arrestation de Cotys.
Le roi thrace refuse et tue son neveu.
Tibère
envoie alors chez Rhescuporis le gouverneur de la Mésie Lucius
Pomponius Flaccus qui, vieil ami du roi trace, le convainc d'aller à
Rome.
Rhescuporis
est jugé et condamné à une peine de confinement pour le meurtre de
Cotys, et il meurt un peu plus tard alors qu'il se trouve à Alexandrie.
Le royaume de Thrace est divisé entre Rhémétalcès II, fils de
Rhescuporis qui s'est ouvertement opposé aux plans de son père, et les
très jeunes enfants de Cotys, Cotys IX puis Rhémétalcès III, au nom
desquels le propréteur Titus Trebellenus Rufus est nommé régent.
Tibère dans l'historiographie
La
tradition historiographique ancienne, représentée principalement
par Suétone et Tacite, oublie souvent les entreprises militaires que
Tibère a réalisées sous Auguste et les mesures politiques prises au
cours de la première période de son principat pour ne prendre en compte,
particulièrement, que les critiques et les calomnies que les ennemis
ont déversées sur Tibère, ce qui a donné une description assez négative.
Tibère,
d'autre part, ne fit rien pour repousser les critiques et la suspicion,
sans doute sans fondement, en raison de sa personnalité renfermée,
mélancolique et suspicieuse.
Il réussit à empêcher, par sa gestion ferme, ordonnée et respectueuse
des règles établies par Auguste, que l'œuvre de ce dernier ait un
caractère provisoire et soit perdue.
Il parvient, en effet, au cours de son règne à assurer la continuité du
système de principat, et à éviter que la situation dégénère en guerre
civile, en modifiant la manière de gouverner Rome et ses provinces,
comme cela s'était produit lors des guerres civiles entre Caius
Marius et Sylla, Jules Césaret Pompée ou Marc Antoine et Octave.
Dans l'historiographie antique
![](https://ekladata.com/bkW77tOSjRQxGV_NERkhjQVYVjk@220x281.jpg)
Tibère est décrit par Tacite (dans les Annales) comme un tyran qui encourage la dénonciation en tant que système, et récompense les délateurs même s'ils sont employés pour prêcher le faux avec des faveurs de toutes sortes.
Les dernières années du gouvernement de Tibère sont décrites par Tacite
comme des années noires, où on pouvait être jugé pour avoir simplement
parlé en mauvais termes de l'empereur, si quelqu'un pouvait en
témoigner.
Même
au niveau politique, Tacite critique fortement la mollesse qui
caractérise la politique étrangère des dernières années de Tibère :
l'empereur, en effet, accepte, à son avis, l'affront fait par les
Parthes, et refuse d'étendre l'autorité de Rome sur le grand empire
oriental.
Voici le jugement que Tacite relate après le récit sur la mort de Tibère :
« [...]
honorable dans sa vie et sa réputation, tant qu'il fut homme privé ou
qu'il commanda sous Auguste ; hypocrite et adroit à contrefaire la
vertu, tant que Germanicus et Drusus virent le jour ; mêlé de bien et de
mal jusqu'à la mort de sa mère ; monstre de cruauté, mais cachant ses
débauches, tant qu'il aima ou craignit Séjan, il se précipita tout à la
fois dans le crime et l'infamie, lorsque, libre de honte et de crainte,
il ne suivit plus que le penchant de sa nature. »
— Tacite, Annales, VI, 51 (Trad. Jean-Louis Burnouf - 1859)
Le
jugement de Tacite sur Tibère est considéré comme peu fiable :
l'historien ressent la nécessité d'expliquer chaque action de l'empereur
par le désir de cacher ses intentions, et attribue le mérite des
actions habiles de Tibère à ses collaborateurs.
L'état d'esprit de Tacite est celui de l'écrivain qui dénonce le système du principat regrettant l'ancien système républicain.
Tacite réalise un portrait du physique de Tibère âgé en dénonçant la débauche de l'empereur qui s'abandonne au désir effréné.
L'historien décrit brièvement son apparence :
« [...]
Sa haute taille était grêle et courbée, son front chauve, son visage
semé de tumeurs malignes, et souvent tout couvert d'emplâtres. [...] »
— Tacite, Annales, IV, 57 (Trad. Jean-Louis Burnouf - 1859)
![](https://ekladata.com/wsmbIUJcS6uGbRJkMrJxcFHgLQk@220x309.jpg)
Même Suétone fournit, dans le troisième livre de sa « Vie des douze Césars », un portrait de Tibère qui est négatif.
Les
entreprises de Tibère lors de sa jeunesse sont résumées en peu de
chapitres alors que le récit de la période de l'accession au trône
jusqu'à la mort occupe une grande place.
Suétone, comme d'habitude, analyse minutieusement le comportement de l'empereur et évoque d'abord sa vertu :
« [26]
Affranchi de crainte, il se conduisit d'abord avec beaucoup de
modération, et presque comme un particulier. Parmi beaucoup d'honneurs
éclatants qu'on lui offrait, il n'accepta que les moindres, et en petit
nombre. [27] Il avait une telle aversion pour la flatterie, qu'il ne
permit jamais à aucun sénateur d'accompagner sa litière [...] Parlait-on
de lui d'une manière trop flatteuse, dans une conversation ou dans un
discours soutenu, il n'hésitait point à interrompre, à reprendre et à
changer aussitôt l'expression. Quelqu'un lui donna le nom de maître : il
lui signifia de ne plus lui faire désormais cet affront. [...] [28]
Insensible aux propos injurieux, aux mauvais bruits et aux vers
diffamatoires répandus contre lui et contre les siens, il disait souvent
que, dans un état libre, la langue et l'esprit devaient être libres.
[...] [29] Cette conduite [envers le Sénat] était d'autant plus
remarquable, que, par ses déférences et ses respects envers chacun et
envers tous, il avait lui-même presque dépassé les bornes de la
politesse. [...] »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 26-29 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Les défauts que le biographe attribue à Tibère semblent beaucoup plus nombreux :
« [42]
À la faveur de la solitude et pour ainsi dire loin des regards de la
cité, il donna libre carrière à la fois à tous les vices qu'il avait
jusque là mal dissimulés. Je les ferai connaître tous dès leur origine. À
ses débuts militaires, sa grande passion pour le vin le faisait appeler
Biberius au lieu de Tiberius, Caldius, au lieu de Claudius, Mero au
lieu de Nero. [...] [43] Dans sa retraite de Caprée, il avait imaginé
des chambres garnies de bancs pour des obscénités secrètes. C'est là que
des groupes de jeunes filles et de jeunes libertins, ramassés de tous
côtés, et les inventeurs de voluptés monstrueuses qu'il appelait
« spintries », formaient entre eux une triple chaîne, et se
prostituaient ainsi en sa présence pour ranimer par ce spectacle ses
désirs éteints. [...] [44] On suppose qu'il accoutumait des garçons dès
l'âge le plus tendre. [...] [46] Chiche et avare, jamais il ne donnait
de salaire à ceux qui l'accompagnaient dans ses voyages ou dans ses
expéditions ; il se bornait à leur distribuer des vivres. [...] [57] Sa
nature insensible et cruelle se décela dès son enfance. [...] [61]
Bientôt il s'abandonna à toute espèce de cruauté. Les sujets ne lui
manquaient pas. Il persécuta d'abord les amis de sa mère, puis ceux de
ses petits-fils et de sa belle-fille, enfin ceux de Séjan, et même leurs
simples connaissances. Ce fut surtout après la mort de Séjan, qu'il mit
le comble à ses fureurs. [...] »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 43-61 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
La cruauté et les vices de Tibère sont stigmatisés dans certains versets satiriques très populaires à Rome.
Sur la cruauté de Tibère, il se murmure :
« Je serai bref : écoute. Inhumain sanguinaire,
Tu ne peux qu'inspirer de l'horreur à ta mère. »« De ton règne, César, Saturne n'est pas fier :
Par toi son siècle d'or sera toujours de fer. »
« Quoi ! sans payer le cens (vraiment ! c'est fort commode),
Tu te crois chevalier, pauvre exilé de Rhodes ? »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 59 (Trad. Nisard - 1855)
Sur les nombreux faits de sang pour lesquels on suspecte la participation de Tibère :
« Il veut du sang ; le vin lui devient insipide.
Comme de vin jadis, de sang il est avide. »« Vois le cruel Sylla de meurtres s'enivrant,
Vois de ses ennemis Marius triomphant,
Vois Antoine excitant des guerres intestines,
Et de sa main sanglante entassant des ruines,
Quiconque de l'exil passe au suprême rang,
Ne fonde son pouvoir que dans des flots de sang. »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 59 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Suétone
fournit également un portrait du physique de Tibère, qui est similaire à
celui de Tacite, mais plus ample et plus détaillé :
« Tibère
était gros, robuste et d'une taille au-dessus de l'ordinaire. Large des
épaules et de la poitrine, il avait, de la tête aux pieds, tous les
membres bien proportionnés. Sa main gauche était plus agile et plus
forte que la droite. Les articulations en étaient si solides, qu'il
perçait du doigt une pomme récemment cueillie, et que d'une chiquenaude
il blessait à la tête un enfant et même un adulte. Il avait le teint
blanc, les cheveux un peu longs derrière la tête et tombant sur le cou ;
ce qui était chez lui un usage de famille. Sa figure était belle, mais
souvent parsemée de boutons. Ses yeux étaient très grands, et, chose
étonnante, il voyait dans la nuit et dans les ténèbres, mais seulement
lorsqu'ils s'ouvraient après le sommeil et pour peu de temps ; ensuite
sa vue s'obscurcissait. Il marchait, le cou raide et penché, la mine
sévère, habituellement silencieux. [...] Tibère jouit d'une santé
inaltérable pendant presque tout le temps de son règne, quoique, depuis
l'âge de trente ans, il la gouvernât à son gré, sans recourir aux
remèdes ni aux avis d'aucun médecin. »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 68 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Alors
que Dion Cassius fournit de Tibère un descriptif négatif, d'autres
auteurs, parmi lesquels Velleius Paterculus, Flavius Josèphe, Pline le
Jeune, Valère Maxime, Sénèque,Strabon et Tertullien en donnent une image
positive et ils ne font pas allusion à la scélératesse dont l'empereur
aurait fait preuve lors de sa présence à Capri.
Dans l'évangile et dans la tradition religieuse
![](https://ekladata.com/Y0BhBZpZHBORJEFpa4quDj7Uy7U@220x376.jpg)
Dans le Nouveau Testament, Tibère n'est mentionné qu'une seule fois dans un chapitre de l'évangile selon Luc qui affirme que Jean le Baptiste a commencé sa prédication publique dans la quinzième année du règne de Tibère.
Les évangiles se réfèrent à Caesar ou à l'empereur, sans autre précision pour indiquer l'empereur romain régnant.
Les
relations entre Tibère et la religion chrétienne ont fait l'objet d'une
enquête historiographique : certaines hypothèses, soutenues
par Tertullien, évoquent un prétendu message de Ponce Pilate à Tibère
concernant la crucifixion de Jésus.
L'empereur
aurait discuté de la question au Sénat et proposé la promulgation d'une
loi interdisant la persécution des disciples de Jésus.
On
ne sait rien de l'attitude de l'empereur envers des chrétiens, aucune
mesure officielle ne fut prise mais il est certain que les disciples de
Jésus n'ont jamais été persécutés sous le règne de Tibère.
Tibère,
qui est tolérant envers tous les cultes à l'exception de ceux chaldéens
et juifs, n'a jamais eu confiance dans la religion alors qu'il se
consacre à l'astrologie et aux prévisions du futur.
À ce propos Suétone écrit :
« Il
s'occupait d'autant moins des dieux et de la religion, qu'il s'était
appliqué à l'astrologie et qu'il croyait au fatalisme. [...] »
— Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 69 (Trad. Désiré Nisard - 1855)
Dans l'historiographie moderne et contemporaine
![](https://ekladata.com/HhOeN2gsIYl6a0JOoOyIVpqPIfU@200x242.jpg)
L'historiographie moderne a réhabilité le personnage de Tibère, dénigré par les principaux historiens de son époque, manquant de cette communication propre à son prédécesseur Auguste, bien qu'étant d'un naturel menaçant, sombre et soupçonneux.
Sa
discrétion associée à sa timidité n'est pas à son avantage. Le constant
désintérêt manifesté par Auguste à son égard lui donne l'impression de
n'avoir été adopté que par une solution de repli.
Et quand il devient princeps, il est désormais désenchanté, désabusé et aigri.
On
reconnait à l'empereur de grandes capacités. Dès sa jeunesse au service
d'Auguste, Tibère fait preuve d'une grande intelligence politique dans
la résolution de nombreux conflits, et il réussit à obtenir de nombreux
succès sur le plan militaire, démontrant une grande maîtrise en
stratégie militaire.
De
la même manière, on reconnaît la validité des choix opérés au cours des
premières années de son règne, jusqu'au moment de son départ pour Capri
et la mort de Séjan.
Tibère
sut éviter d'employer les forces romaines dans des guerres à l'issue
incertaine au-delà de ses frontières tout en réussissant à créer un
système d'états vassaux qui garantissaient la sécurité des frontières.
En
politique économique, il sut mettre en œuvre une sage politique de
maîtrise des coûts qui a conduit à la restauration des caisses de l'état
sans avoir recours à de nouvelles taxes.
Il se révéla être un habile administrateur avec une incontestable
compétence organisationnelle adhérant pleinement à la politique de son
prédécesseur.
Son
drame fut qu'il a été entraîné, en raison de son sens inné du devoir, à
tenir un rôle auquel il n'était pas adapté, ce rôle qu'il n'avait pas
cherché, et qui au contraire nécessitait des compétences différentes des
siennes. Sa tragédie est de s'en être rendu compte trop tard.
Plus
controversée est l'analyse du comportement de Tibère au cours de la
longue retraite à Capri, et il n'existe pas encore d'interprétation
universellement partagée : les informations laissées
par Tacite et Suétone apparaissent généralement comme faussées ou ne
correspondant pas à la réalité.
Il reste possible que l'empereur ait donné libre cours à ses vices
pendant le séjour sur l'île, mais il est peu probable que, après s'être
distingué par un comportement modéré, il se soit abandonné aux excès
décrits par les historiens.
Il est admis que la diabolisation de Tibère, qui devient un monstre
aussi bien par le comportement que physiquement chez Tacite et Suétone,
est liée au manque d'adhésion à la réalité des deux historiens : d'une
part, Suétone, désireux de raconter tous les détails scabreux, d'autre
part, Tacite, regrettant le système républicain.
Parmi
les chercheurs qui, au cours de leurs travaux, ont réhabilité le
personnage de Tibère, on trouve Amedeo Maiuri, Santo Mazzarino, Antonio
Spinosa, Axel Munthe, Paolo Monelli, Giovanni Papini et Maxime Du
Camp. Voltaire commenta aussi de manière positive l'œuvre de l'empereur.
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